Le chancelier conservateur Karl Nehammer, qui s’était engagé lors des élections législatives autrichiennes du 29 septembre à ne pas être le marchepied de Kickl pour la chancellerie, vient de démissionner de ses postes de chancelier et de chef de parti le 4 janvier en lui laissant la voie libre.
En septembre, le Parti autrichien de la liberté (FPÖ), d’extrême droite, dirigé par Herbert Kickl, devenait le premier parti avec 28,85 %, juste devant le Parti populaire autrichien (ÖVP), conservateur de droite, avec 26,27 %. Les sociaux-démocrates, 21,1 %, avaient exclu d’emblée toute coalition avec le FPÖ à un niveau national. Les conservateurs ont pu choisir s’ils préféraient gouverner avec Kickl ou avec les sociaux-démocrates.
Les négociations avec les sociaux-démocrates et les libéraux de « Neos » en vue d’une coalition gouvernementale ont été interrompues par « Neos » et les conservateurs. Les deux n’étaient pas du tout disposés à négocier ne serait-ce qu’une participation des riches et des super-riches à l’assainissement nécessaire du budget (réintroduction d’un impôt sur les successions ou sur la fortune), tant la pression exercée par le capital était forte. Les sociaux-démocrates avaient également proposé des alternatives telles qu’une taxe sur les banques — tout a été balayé d’un revers de main.
Depuis, les conservateurs se sont déclarés prêts à former un gouvernement avec l’extrême droite. Kickl a fait du lobbying avec succès en promettant de mettre en œuvre le programme économique des conservateurs s’il pouvait en échange occuper la chancellerie et des ministères importants.
Une politique contre la classe ouvrière
Le FPÖ et l’ÖVP savent que la mise en œuvre du programme économique de l’ÖVP entraînera un changement d’humeur de la population.
Il est prévu de détruire, ou du moins d’affaiblir considérablement, le système de santé ; de s’attaquer aux travailleurEs du secteur public (gel des salaires des enseignantEs et des infirmières...) et aux retraitéEs (gel des pensions et relèvement de l’âge légal de départ à la retraite) ; de mettre en place une « réforme du marché du travail », c’est-à-dire de réduire les prestations et de durcir les conditions d’emploi ; d’augmenter les impôts de masse.
En raison des procédures en cours contre des représentants de premier plan de l’ÖVP et du FPÖ, les deux partis voient d’un bon œil l’affaiblissement des contrôles démocratiques et de l’État de droit. Ils prévoient aussi de s’attaquer à l’indépendance de la télévision et de la radio publiques et d’exercer une influence massive sur la presse papier.
L’affaiblissement de la « chambre des travailleurs » (Arbeitskammer ou AK, dont l’origine remonte à la révolution de 1918-1919), voire sa destruction par la réduction ou la suppression des cotisations à cette chambre, est un autre point de départ. Il en va de même pour l’indépendance de la justice (suspension des procédures, empêchement des enquêtes et de l’ouverture de nouvelles procédures), de la Cour des comptes, de l’Institut de statistique publique d’Autriche ou encore de l’administration publique.
Racisme et réaction au cœur du programme
En renforçant encore les mesures xénophobes et anti-minorités, le mécontentement doit être détourné vers des boucs émissaires présumés (réfugiéEs, migrantEs, chômeurEs, bénéficiaires de l’aide sociale, LGBTIQ+ ou encore artistes critiques envers la société). En outre, le FPÖ et l’ÖVP soutiennent tout ce qui alimente la crise climatique et prônent l’abandon des objectifs climatiques.
De larges alliances pour la défense des droits démocratiques et sociaux et contre l’« orbanisation » sont désormais une nécessité. Leur succès dépendra de l’engagement total de la social-démocratie et des syndicats (les organisations à gauche de la social-démocratie ne jouent qu’un rôle très limité en Autriche). C’est un très grand défi compte tenu des décennies paralysantes du partenariat social, durant lesquelles les temps de grève moyens se mesuraient en minutes, voire en secondes par personne et par an !
Parallèlement, nous devons développer un programme de gauche offensif et démystifier non seulement le populisme de droite du FPÖ, mais aussi l’idéologie néolibérale des « Neos ».
Correspondant