Publié le Samedi 2 juillet 2011 à 18h22.

Ben Ali : un procès en trompe-l’œil

Pendant les 23 ans de règne de Ben Ali, la répression fut érigée en système politique. Les opposantEs au régime subirent traques, arrestations, emprisonnements, tortures. Ben Ali était déjà responsable, en tant que dirigeant des services de renseignements sous Bourguiba, de nombreuses exactions, dont la répression dans le sang de la grève générale du 26 janvier 1978.

Sur le plan économique, Ben Ali est responsable de l’application de tous les plans des grandes puissances impérialistes, qui ont totalement soumis l’économie tunisienne aux diktats du FMI et de la Banque mondiale et aggravé les conditions de vie et de travail de millions de travailleurs.

Mais si ce système a pu tenir aussi longtemps, c’est parce qu’il y avait des milliers de « Ben Ali » pour mettre en application cette politique, dans les ministères, les assemblées, les administrations, les sections du RCD. Le procès de tout ce système est nécessaire, mais ce n’est pas ce procès-là qui a démarré ce 20 juin. Le premier procès par contumace de Ben Ali et son épouse portait sur le « détournement de fonds publics ». Ils ont été condamnés en quelques heures à 35 ans de prison et 91 millions de dinars d’amende. Une justice expéditive qui rappelle que l’appareil judiciaire de Ben Ali n’a connu aucun assainissement depuis le 14 janvier. Mais les Tunisiens ne sont pas dupes. Ils ne se satisfont pas de ce procès expéditif et savent que justice n’a pas été rendue, surtout parce que le gouvernement ne se démène pas vraiment pour exiger l’extradition des Ben Ali réfugiés en Arabie saoudite, ni pour la restitution de leur fortune au peuple tunisien, ni pour l’annulation de la dette odieuse contractée par la dictature.

La population voit aussi que les pratiques policières sont toujours les mêmes, que le pouvoir est entre les mêmes mains, que, finalement, on a bien voulu feindre de sacrifier les Ben Ali pour que le système perdure, pour mieux épargner les milliers de « Ben Ali » qui font vivre l’appareil d’État.

Alors pour l’instant, le seul procès sincère de ce système, c’est dans la rue et par la mobilisation que les travailleurs et la population l’effectuent, en dénonçant les injustices sociales qui perdurent, en rejetant les symboles et les dirigeants du régime de Ben Ali qui tentent de rester en place. La pression populaire a ainsi écarté des centaines d’anciens cadres du RCD, des gouvernorats, des commissariats, des ministères, des différentes administrations et entreprises publiques comme privées. Certes, justice n’est pas rendue par le seul fait d’écarter ces personnes de la vie politique, et la bourgeoisie continue de faire des affaires sur le dos des travailleurs, les puissances impérialistes continuent de noyer le pays dans de nouvelles dettes présentées comme des aides, et ceux des dirigeants du RCD qui ont été chassés par la porte pourront revenir par la fenêtre si tout ce système n’est pas remis en cause et s’il n’y a pas d’alternative politique construite. Et c’est toute la difficulté que traverse le processus révolutionnaire tunisien aujourd’hui : ne plus se contenter du « dégage » et construire cette alternative politique.

Wafa Guiga