La grève du secteur public du Botswana est certainement l’une des plus grande grève qu’ait connu le pays. Depuis trois ans les 100000 fonctionnaires sont confronté à un gel des salaires, pendant que l’inflation avoisinait les 14%.
La fédération des syndicats du secteur public du Botswana, la BOFEPUSO revendiquait une augmentation de 16%, prenant en compte l’inflation et intégrant 2% au titre de l’augmentation du pouvoir d’achat.
En réponse le gouvernement du Botswana Democratic Party et le Président de la république Ian Khama se sont transformés en véritable machine de guerre contre les grévistes et leur organisation syndicale.
En effet, les dirigeants du pays n’ont pas seulement refusé toutes négociations, mais de plus ils ont développé une politique agressive contre les salariés; les manifestations, les rassemblements et les sit-in qui se sont déroulés à Gaborone, la capitale, ont été attaqués avec violence par les forces de l’ordre, les média publics bâillonnés alors que la télévision d’état déversait, pendant les deux mois de conflit, mensonges et calomnies contre les grévistes, les traitant d’anti-patriotes et d’égoïstes. Accusant même les dirigeants syndicaux de se faire manipuler par l’opposition et de politiser le conflit.
Le président de la république lui-même, lors d’un meeting dans une commune rurale, a tenté d’opposer les travailleurs aux paysans, dans un pays qui est resté très largement agricole. Il a accusé les travailleurs de vouloir s’attribuer l’essentiel des richesses de la nation.
Ces manœuvres ont échoué en raison même de la situation sociologique du pays. En effet, comme pour la plupart des pays africains, la classe ouvrière est relativement récente et est issue de la paysannerie avec laquelle elle maintient des liens extrêmement forts. La plupart du temps, les travailleurs aident leur familles restées à la campagne pour l’achat du bétail, l’entretien de la ferme; certains d’entre eux se portent garant pour des prêts bancaires et participent aux frais de scolarité des enfants ... Ainsi l’augmentation des salaires des travailleurs ne pouvait que se répercuter positivement sur la situation sociale dans les campagnes.
Ces attaques du gouvernement ne se sont pas arrêtées aux intimidations et aux calomnies, des leaders syndicaux ont été emprisonnés tandis que 3000 fonctionnaires en grève ont été licenciés pour avoir refusé d’obtempérer à des décrets gouvernementaux les obligeant à reprendre le travail.
Dans sa besogne le gouvernement de Gaborone a eu un allié de taille lorsque le FMI déclara, le 6 juin en pleine négociation entre les syndicats et la Direction de la gestion des services publics (DPSM), que les salaires des fonctionnaires étaient trop élevés.
Les résultats de la grève n’ont pas été à la hauteur des espérances: une augmentation de 3% pour tous alors que les syndicats préféraient une augmentation différenciée afin d’améliorer les salaires les plus bas. Le gouvernement concède la réembauche des fonctionnaires licenciés, mais pas forcément dans leur même poste et au même endroit.
Cette grève a largement mis à nu la réalité du pouvoir au Botswana considéré, dans les instances internationales, comme un modèle de démocratie qui a visiblement bien du mal à s’appliquer lorsque les travailleurs sont en lutte. Ce pouvoir a montré à l’ensemble de la population qu’il était prêt à tout pour défendre les possédants et l’ordre capitaliste.
La décision de suspendre la grève, qui est toujours un moment délicat, n’a pas été l’objet d’une consultation réellement démocratique des fonctionnaires en grève. D’autre part, les directions syndicales n’ont pas favorisé l’implication et la prise en main de la lutte par les grévistes eux-mêmes.
Certains observateurs font remarquer que la grève générale se posait avec acuité dans le pays et que le monde syndical, mais aussi politique, aurait dû tout faire pour élargir la lutte à d’autres secteurs. Il est indéniable que le renforcement des organisations syndicales, la sympathie profonde de la population à l’endroit des fonctionnaires en lutte et l’émergence d’une nouvelle couche militante qui ont fait leurs premières armes dans l’un des conflits les plus durs qu’a connu la pays, sont des éléments d’une grande valeur pour les luttes et les résistances à venir
Paul Martial