La question n’est pas ici d’encenser ou au contraire de démolir le régime cubain ; ces quelques lignes ne suffiraient pas à embrasser la complexité socio-politique du « premier territoire libre d’Amérique latine ». À l’aune de l’actualité, on s’attachera plutôt à présenter les faits sur trois plans : le rôle joué par Cuba à l’international, l’extraterritorialité renforcée du blocus ainsi que la particularité du système de santé cubain et les défis rencontrés à l’interne en temps de Covid-19.
Cuba, puissance médicale
Actuellement, plus de 25 000 médecins en provenance de l’île luttent contre le Covid-19 dans plus de trente pays. Si l’aide médicale en faveur des pays défavorisés relève d’une tradition depuis le triomphe de la révolution cubaine en 1959, un tournant s’est amorcé avec la pandémie. En effet, des pays « développés » tels que l’Italie, mais aussi l’Espagne et la France ont eux aussi sollicité à Cuba l’envoi de médecins pour affronter la crise sanitaire. Ces appels mettent en lumière, si besoin était, deux aspects importants : d’une part, le résultat désastreux de plusieurs décennies de coupes budgétaires dans le secteur public hospitalier européen exigées par l’UE et, d’autre part, l’incapacité de cette dernière à réagir rapidement pour venir en aide à ses pays membres les plus touchés.
Certes, il y a dans cette action internationaliste un aspect symbolique et concret qu’on ne peut nier, mais qui a occupé tout entiers certains médias européens. On imagine bien sûr la claire fierté que doit ressentir – à raison – la plus grande île des Antilles face à cet appel à l’aide de pays « capitalistes ». Et on sait, car le gouvernement cubain ne s’en cache pas, que ces derniers ont payé ces prestations de services. La politique cubaine a toujours été claire à ce niveau : ceux qui peuvent payer payent, contribuant ainsi à alimenter le système de santé cubain mais aussi les missions internationales en faveur de pays qui, eux, sont dans l’incapacité de payer.
Blocus extraterritorial criminel
Plutôt que de se focaliser sur ces questions somme toute assez mesquines, les médias occidentaux feraient mieux de dénoncer l’extraterritorialité du blocus contre Cuba, largement renforcé par le gouvernement Trump.
Huit organisations ont récemment dénoncé que des entreprises suisses qui commerçaient jusqu’alors avec Cuba avaient refusé de vendre à l’île des respirateurs artificiels. Elles déplorent également que des banques suisses aient refusé des transferts de dons de leurs client·e·s à l’échelle locale, simplement à cause de la mention du nom Cuba dans la transaction. Ces dons devaient servir à soutenir le projet d’urgence de récolte de fonds #CubavsCovid19, pour livrer des réactifs de test et équipements de protection. La souveraineté helvétique semble donc une fois de plus bien mise à mal face à la dépendance de notre économie nationale au dollar US et, par conséquent, aux instructions de Washington. la Suisse, officiellement opposée à l’embargo, doit cesser d’être complice dans les faits de cette politique criminelle contre Cuba et son peuple.
Robinet touristique verrouillé
À l’interne, la pandémie semble sous contrôle. Il faut dire que l’État cubain consacre 28 % de son budget à un système de soin universel, gratuit et largement distribué grâce à la présence dans chaque quartier d’un cabinet communautaire. On compte ainsi 82 médecins pour 10 000 habitant·e·s (contre 43 en Suisse, 32 en France, 26 aux USA). Avec des mesures volontaristes contre le Covid-19 et la fermeture des frontières, le pays affiche des chiffres encourageants (1766 cas, 77 mort·e·s), même si l’approvisionnement est (re)devenu compliqué, surtout en ville. Dans un pays qui importe 80 % de sa consommation et dont l’une des sources principales de revenus est le tourisme, il y a comme un relent de « période spéciale » (crise économique dans les années 90 suite à la chute de l’URSS).
Mais justement, Cuba possède une expérience de résistance hors du commun face au « collapse » ou « fait historique total » que représente le Covid-19. Le gouvernement a décidé de donner un coup d’accélérateur à la production alimentaire nationale, de manière autonome pour chaque province étant donné que les transports interprovinciaux sont suspendus. Si ces consignes de diminuer les importations et d’aller vers davantage de décentralisation ne sont pas neuves, elles deviennent vitales à l’aune du verrouillage du robinet touristique soudain.
À l’heure où la Russie et la Chine offrent leur soutien à l’île, on ne peut qu’espérer que Cuba réussira à se défaire le plus possible des chaînes de dépendance et à aller vers davantage d’autogestion.