Publié le Jeudi 3 juin 2021 à 13h00.

En Suisse, une campagne contre de nouvelles lois d’exception

Le 13 juin prochain, les Suisses seront appeléEs à voter sur un paquet de lois prétendument destinées à les protéger contre le terrorisme (MPT).

S’inscrivant dans la continuité d’une tradition suisse de la surveillance depuis le scandale des fiches à la fin des années 1980, l’introduction de ce paquet consolidera le climat d’intimidation, de suspicion et de surveillance qui, accompagné de racisme, existe sur le plan international depuis le 11 septembre 2001. De plus, son effet dissuasif ou d’autocensure notamment sur des personnes militantes au sein d’organisations politiques n’est pas à sous-estimer dans un contexte déjà particulièrement répressif à leur égard.

Attaque contre les libertés d’expression et d’opinion

Depuis quelques semaines, la campagne est lancée. En Suisse romande, un comité de gauche s’est constitué et peine à faire entendre sa voix, malgré le lancement d’un appel qui a récolté presque 500 signatures en deux semaines. De l’autre côté de l’échiquier politique, le ton sécuritaire est de mise, mobilisant des images stéréotypées et stigmatisantes. La conseillère fédérale du Parti libéral-radical Karin Keller-Sutter ne cesse d’ailleurs d’alimenter la peur et le mythe de l’islamisation radicale au travers d’exemples caricaturaux et préoccupants dans ses interventions médiatiques.  L’attaque des libertés d’expression et d’opinion des militantEs politiques est au contraire tue.

Le paquet de lois MPT comporte un risque élevé d’arbitraire, pouvant prendre un tournant autoritaire et islamophobe. Il comprend de nombreuses notions juridiques indéterminées, dont certaines sont centrales, comme « terroriste potentiel » ou « activités terroristes ». Cette absence délibérée de définitions claires donne une large marge d’appréciation à l’Office fédéral de la police (fedpol), laissant présumer d’importants risques d’abus.

Par ailleurs, des mesures préventives pourront être prises contre une personne sur la base de simples « indices » d’« activités terroristes ». Ces indices ne désignent pas des infractions, mais sont fondés exclusivement sur des hypothèses quant aux intentions de ladite personne. Il s’agit en d’autres termes d’une présomption de dangerosité, difficilement renversable par la personne concernée. 

Danger pour les droits démocratiques

Au travers de ces dispositifs, les capacités d’organisation et d’expression des milieux militants sont mises à mal, car leurs protestations politiques pourront être considérées comme terroristes.

Finalement, en donnant les pleins pouvoirs à la fedpol, le projet contourne le système pénal existant et crée un système répressif en dehors des principes et des garanties procédurales. Un contrôle judiciaire indépendant ne pourra pas être opéré, alors que des mesures lourdes de conséquences, telles qu’une interdiction de quitter le territoire, seront prononcées. À ceci s’ajoute que les informations sur lesquelles se fonde la fedpol seront souvent secrètes ou difficilement accessibles pour la personne concernée. L’opacité sur le prononcé de mesures de contrainte sera donc totale.

L’acceptation de ce paquet de lois d’exception le 13 juin représenterait un énorme danger pour nos droits démocratiques. Elle réduirait légalement nos capacités de résistances en renforçant les capacités autoritaires de l’État, dont les cibles principales sont les idées politiques et les croyances religieuses. Votons non à la loi MPT !

Publié dans le n°389 de solidaritéS (Suisse).