Faisant suite à une vague de mobilisations du monde du travail au printemps 2022, le mouvement Femme Vie Liberté a ouvert une ère nouvelle dans la longue histoire des confrontations entre le régime islamique et le peuple Iranien.
Un mouvement qui vient de loin
L’assassinat de Jina Masha Amini, le 16 septembre dernier a mis au premier plan les griefs profonds accumulés au fil des décennies. Les révoltes de 2017 et 2019 avaient déjà libéré une contestation et une défiance significatives à l’égard du régime. Mais elles furent de courte durée (moins de deux semaines pour chacune d’entre elles) et aucune n’avait regroupé autant de monde, provenant d’horizons et classes sociales aussi diversifiées.
Le mouvement actuel englobe majoritairement les couches moyennes pauvres, des étudiantEs, des jeunes ouvrierEs précaires et chômeurEs. La différence majeure est le rôle primordial joué par les femmes, dont le slogan central originaire du Kurdistan « Femme, Vie, Liberté » a une nature universelle.
Une rapide radicalisation
Très vite d’autres mots d’ordres sont apparus. Parallèlement au très populaire « Mort au dictateur » ont surgi des slogans contre la corruption, la répression féroce et celui de « Pain, travail et liberté ». Et lorsque les royalistes, basés uniquement à l’étranger, ont tenté de lancer une OPA sur le mouvement, le slogan « Ni Mollah Ni Chah ! » est sorti des universités iraniennes et a brillamment répondu à leurs manœuvres.
La rupture est profonde entre le régime et environ 80 % de la population, dont une partie de la bourgeoisie. Le discours réformateur, après deux décennies de prépondérance, est totalement discrédité. Au quatrième mois de mobilisation, celle-ci ne faiblit pas malgré des hauts et des bas. Elle est présente dans toutes les grandes et petites villes, et comme toujours avec une vigueur particulière au Kurdistan, suivi par le Baloutchistan. Dans ces régions, la question des minorités nationales se greffe sur les autres revendications.
L’urgence d’une structuration du mouvement
L’ombre de la défaite finale du « printemps arabe » plane sur le soulèvement iranien. On compte en effet plus de 500 mortEs, un nombre croissant de condamnations à mort, et au minimum 18 000 arrestations (dont celles de leaders syndicaux emprisonnés pour certains depuis le printemps).
Cette répression féroce et sans merci entrave pour l’instant une convergence réelle entre les manifestations de rue et les grèves revendicatives éclatant dans le monde du travail et qui prennent une dimension de plus en plus politique. Tout cela ne permet pas pour l’instant à la classe ouvrière de jouer le rôle déterminant qui devrait être le sien.
Par ailleurs, le risque existe que le pouvoir procède à la fermeture des universités, comme il l’avait fait entre 1981 et 1984. Une telle mesure priverait le soulèvement d’un outil majeur et innovant de coordination.
Fort heureusement, à l’initiative de jeunes militantEs, des comités de quartier ont vu le jour. Leur développement dans les quartiers populaires pourrait répondre en partie au besoin vital de coordination. En effet, suite à l’explosion du prix des loyers, de nombreux enseignantEs et employéEs à faible revenu ont déserté le centre des grandes villes et habitent aujourd’hui dans ces quartiers ou à leur proximité.