Historique et prévisible, l’accord conclu à Vienne le 14 juillet par la République islamique d’Iran et le groupe des 5 + 1 (cinq états membres du conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne) signe le nouveau statut de la mollahrchie au Moyen-Orient.
Cet accord voulu par le Guide de la Révolution Ali Khameneï, premier personnage de la République islamique et par la Maison-Blanche s’inscrit dans la suite logique du texte signé en avril dernier à Lausanne. Il est l’aboutissement de deux années de négociations et met fin à plus de 12 ans de crises sur le nucléaire iranien.
Accord historique, intérêts communs
Ce compromis historique, le premier depuis 36 ans, est le produit des bouleversements qui frappent le Moyen-Orient, conséquences des interventions impérialistes qui ont déstabilisé la région, de l’offensive néolibérale des dernières décennies, de la corruption des élites dirigeantes, du caractère dictatorial des États de la région et des soulèvements populaires au Maghreb et au Moyen-Orient.
Téhéran et Washington se sont découverts des intérêts communs en Afghanistan puis en Irak. Mais ce sont la décomposition des États irakien et yéménite, la perte de contrôle du régime d’Assad sur une grande partie du territoire syrien et l’émergence de Daesh qui ont accéléré ce rapprochement. D’autant plus que l’impérialisme étatsunien et la République islamique ont désormais un ennemi commun : l’État islamique. Dans ce contexte, le régime de Téhéran fait figure de puissance régionale incontournable. Par cet accord, l’administration étatsunienne cherche à intégrer davantage la République islamique à son dispositif, mais cela ne va pas sans contradiction, comme l’indique l’hostilité de l’État colonialiste d’Israël et celle des monarchies réactionnaires du golfe.
L’accord de Vienne permet aux puissances impérialistes de brider et contrôler le programme nucléaire de Téhéran. Les inspecteurs de l’AIEA auront accès aux sites nucléaires et à certains sites militaires. Téhéran devra réduire le nombre de centrifugeuses (de plus de 19 000 à 5 000) et diminuer fortement son stock d’uranium enrichi. L’enrichissement d’uranium sera limité à 3,67 % pendant quinze ans et sur le seul site de Natanz.
La mollahrchie victorieuse ?
En échange, Téhéran obtient la levée progressive des sanctions adoptées par l’Union européenne et les États-Unis visant les secteurs de la finance, de l’énergie et du transport. La mollahrchie pourra disposer des avoirs de l’État iranien estimés à 150 milliards de dollars et bloqués aux États-Unis depuis 1979. Enfin, la République islamique, qui pourra vendre ses hydrocarbures sans limitation, entend profiter de son « retour en grâce » pour ouvrir le marché intérieur aux multinationales déjà sur les rangs.
Par contre, les sanctions relatives aux missiles balistiques et aux importations d’armes offensives sont maintenues. Le transfert de matériels sensibles pouvant contribuer au programme balistique iranien sera interdit pendant huit ans. La vente ou le transfert de certaines armes lourdes de et vers l’Iran resteront interdits pendant cinq ans.
Sur le plan interne le régime présente ces accords commune une victoire. La mollahrchie a toujours justifié les difficultés économiques et sociales du pays par le poids des sanctions et l’hostilité des grandes puissances.
La levée des sanctions iniques qui ont frappé les peuples d’Iran est une bonne chose. En effet, les sanctions pèsent fortement sur l’économie du pays et alimentent chômage, hyper inflation et pénuries. Elles ont conduit à l’explosion du marché noir largement contrôlé par les Gardiens de la Révolution dont la direction s’est considérablement enrichi.
Pour la liberté, l’égalité et la justice sociale
La levée des sanctions et l’accès aux avoirs bloqués redonneront au régime des mollahs des marges pour mener sa politique clientéliste. Celui-ci pourra accroître son soutien à la dictature d’Assad et au Hezbollah libanais qui combattent sauvagement le peuple syrien. La mollahrchie pourra également augmenter l’aide matérielle et humaine apporté au gouvernement irakien et aux milices chiites qui, sous couvert de lutte contre Daesh, mènent la guerre contre les populations sunnites. Enfin, en miroir de la politique saoudienne, Téhéran va poursuivre son action déstabilisatrice au Yémen et à Bahreïn.
La politique régionale de la mollahrchie s’inscrit dans une guerre indirecte contre la monarchie ultra réactionnaire des Saoud. Téhéran et Ryyad sont les principaux soutiens des courants réactionnaires de l’islam politique et favorisent les logiques d’affrontements sectaires et inter religieux qui mettent la région à feu et à sang.
Sur le plan intérieur, l’accord peut ouvrir de nouveaux espaces à celles et ceux qui veulent en finir avec la mollahrchie. En effet, le régime aura plus de mal à justifier ses échecs et sa corruption par la politique des grandes puissances. Les revendications sociales et démocratiques chercheront à s’exprimer davantage, ce d’autant plus que durant plusieurs décennies, le régime a dépensé en pure perte des centaines de milliards de dollars pour son programme nucléaire.
Les aspirations à la liberté, l’égalité et la justice sociale, sont fortes, et les peuples d’Iran saisiront toutes les possibilités pour mettre fin à l’ordre théocratique et dictatorial imposé par la République islamique.
Babak Kia