Publié le Mardi 27 septembre 2022 à 09h15.

Italie : 100 ans après la marche sur Rome, la droite néofasciste arrive en tête du scrutin

Les élections législatives du 25 septembre se sont soldées par une victoire nette de la coalition des droites guidée le parti Fratelli dItalia (Frères dItalie) de Giorgia Meloni et composée par La Lega (La Ligue) de Matteo Salvini et Forza Italia (Force Italie) de Silvio Berlusconi.

Une droite forte et une gauche agonisante

À l’approche de la fin du décompte, le résultat des élections législatives qui se sont tenues dimanche 25 septembre est sans appel : la coalition des droites se trouve en tête du scrutin dans les deux Chambres avec comme chef de file le parti néofasciste Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) qui, avec 26% des voix à la Chambre des députés, s’impose en tant que première force politique du pays. Sa chef, Giorgia Meloni, aspire les votes de son allié de La Lega qui perd plus de la moitié des votes conquis lors des précédentes législatives et chute à 8,7% tandis que le magnat des médias Silvio Berlusconi, condamné pour fraude fiscale dans le procès Mediaset, vivote avec un score de 8 % et retourne au Sénat.

La coalition du centre-gauche n’arrive pas à contenir la percée de ses adversaires. Guidée par le Parti Démocrate de Enrico Letta, ayant annoncé sa démission du rôle de Secretaire, elle fait globalement un score de 26%, loin du 44% de la droite. Avec seulement 19%, le Parti Démocrate en sort sévèrement sanctionné et totalise son deuxième plus mauvais score après la debacle en 2018. Un seul de ses alliés arrive à dépasser le seuil de 3% pour rentrer au Parlement, c’est la liste  « I Verdi et La Sinistra » (Les Verts et La Gauche), tandis que « Plus Europe » d’Emma Bonino et « Impegno Civico » (Engagement Civique) de Luigi di Maio (le dissident du Mouvement 5 étoiles) restent dehors.

Le troisième pôle est constitué par le Mouvement 5 étoiles où la victoire est celle de Giuseppe Conte. En démentant les sondages qui l’affichait à moins de 10%, le MoVimento divise par deux le résultat obtenu en 2018 mais, avec 15% des voix, reste debout. Ce qui fait regretter à certains de ne pas avoir construit une alliance plus large incluant le Mouvement.

La liste néolibérale de Renzi e Calenda obtient la quatrième place avec un 7% qui lui permet de rivaliser avec le PD. L’auteur du honteux job’s act et de l’élimination de l’article 18 du code du travail, permettant de réintégrer les travailleurs licenciés, se maintient donc en jeu.

Malgré une campagne dynamique, la liste Union Populaire de l’ex maire de Naples Luigi de Magistris, soutenue par le Parti de la refondation communiste (PRC), Pouvoir au peuple, un mouvement récent issu des centres sociaux, et deux parlementaires ayant quitté le Mouvement 5 étoiles, reste au-dessous du seuil.

Le défi d’un travail de reconstruction politique de longue haleine pour les forces progressistes restent une priorité absolue pour ne pas céder au désespoir et à la passivité.

Une abstention record dans un pays divisé

L’abstention bat en effet aussi un nouveau record historique en touchant avant tout les jeunes, l’électorat des régions du Sud, favorable au Mouvement 5 étoiles, et celui du Parti Démocrate. On enregistre l’affluence la plus faible de tous les temps (64 %) avec une baisse de plus de 9 points par rapport à 2018. C’est une donnée extrêmement significative et inquiétante qui exprime la grande désaffection des électeurs et des électrices de la gauche ayant perdu progressivement des représentants dignes de ce nom mais aussi l’espoir dans la possibilité de modifier l’état des choses.

Les urnes dévoilent encore une fois un pays divisé avec Fratelli d’Italia dont les scores explosent dans toutes les régions du Nord (le parti passe de 4% à 26% des votes) et menace dès à présent, d'annuler le revenu de citoyenneté, cheval de bataille du Mouvement 5 étoiles qui reste en tête au Sud et en Sicile. Le Parti Démocrate gagne uniquement dans ses bastions historiques, l’Émilie-Romagne et la Toscane.

Racisme, islamophobie et menaces pour les droits des femmes et des minorités

Intégriste catholique et islamophobe, protectrice de la famille patriarcale et ennemie du droit à l’IVG, celle qui très probablement deviendra la première Présidente du conseil femme de l’histoire d’Italie, déclare sans complexes son affiliation néofasciste. Fratelli d’Italia descend en effet du MSI (le Mouvement social italien) issu de l’expérience de la République de Salò et dont le parti de Meloni garde le symbole de la flamme tricolore et les orientations. Comme son ancêtre, FDI défend le présidentialisme et l’élection directe du chef de l’État. Afin de se rendre présentable, Meloni a affiché son adhésion à l’Europe et à l’Otan et, plus récemment, en coïncidence avec la guerre en Ukraine, son opposition ferme à la Russie de Poutine.

Son racisme et son attitude islamophobe sont débridés : Meloni a récemment affirmé qu’en cas de besoin, l’Italie aurait mieux fait de recruter ses migrants du Venezuela et non pas des pays d’Afrique en raison de leur appartenance religieuse chrétienne et de leurs origines italiennes.

Loin de refuser la pensée hégémonique en matière d’économie, son action et celle de ses partenaires sera mise au service de la grande et de la petite bourgeoisie du Nord du pays avec des abondants des cadeaux fiscaux aux entreprises et une persécution systématique des droits des travailleurs et de leurs représentants.

L’urgence de construire une riposte anticapitaliste et antifasciste

La gauche de gouvernement ne semble même pas avoir participé à la bataille. On assiste à un nouvel effondrement du Parti démocrate dont l’ambiguïté et l’abandon progressif des principes qui auraient dû l’animer ont été encore une fois durement sanctionnés. Incapable de produire une réelle alternative face à la droite et globalement accrochée à la doctrine politique de Mario Draghi, la coalition du centre-gauche ne convainc pas un électorat accoutumé aux jeux de pouvoir et aux opportunismes d’une classe dirigeante à l’agonie. La proposition plus progressiste de la liste I Verdi et la Sinistra (Les Verts et La Gauche) semble avoir souffert de la participation à cette alliance. La rhétorique du vote utile a été définitivement enterrée.

Ce sont avant tout les forces politiques qui ont participé à l’union nationale avec Mario Draghi à avoir subi de plein fouet la sanction du vote tandis que la seule force qui se situait à l’opposition, Fratelli d’Italia, se révèle être le vrai vainqueur de la partie. Comme dans de nombreux autres pays du monde, des millions de personnes, déçues par les politiques d’austérité, se jettent dangereusement dans les bras de l’extrême droite.

À gauche, une reconstruction immédiate est plus qu’urgente pour faire face à l’offensive autoritaire et à ses conséquences désastreuses tant sur le plan institutionnel (la Meloni brandit déjà ses armes contre la Constitution) que sur les plan des droits des travailleurs, des femmes, des communautés LGBTI et des minorités. À nous de repartir, refonder et actualiser des formes de résistance afin d’éviter la répétition des pages les plus sombres de l’Histoire.