Après une longue hibernation, quelque chose commence enfin à bouger. Des fissures sont en train d’apparaître dans le consensus apparemment inébranlable du gouvernement Renzi...
Des secteurs de la classe ouvrière ont relevé la tête. Il y a eu des arrêts de travail spontanés dans quelques usines contre le Jobs Act, une loi en voie d’approbation qui vise à détruire ce qui reste de droits du travail conquis par les travailleurEs. Les manifestations locales organisées par la Fiom (le syndicat des métallurgistes) ont été très réussies, ce qui témoigne de la belle réussite des grèves.Les luttes dans les entreprises qui ferment se sont durcies, en particulier celle des travailleurs de l’aciérie de Terni, violemment attaqués le 29 octobre à Rome par les forces de l’ordre alors qu’ils manifestaient pour défendre les emplois de 537 travailleurs menacés de licenciement. La grève lancée le 16 octobre par le syndicalisme « combatif » de base (Cobas, CUB, USI, ADL Cobas) dans le secteur de la logistique – on y trouve beaucoup de travailleurs immigrés qui luttent pour des conditions de vie et de salaire dignes et pour l’obtention d’un contrat national –a également été un succès.Par contre, il y a eu une mobilisation moins forte dans l’éducation, touchée par une « contre-réforme » qui est l’aboutissement de décennies de tentatives de la transformer en entreprise adaptée au marché. La phase de démoralisation qui a caractérisé la scène politique et sociale italienne n’est pas entièrement finie.À l’opposé, il y a eu le 18 octobre le défilé à Milan de la Ligue du Nord qui a fait une alliance avec le Front national et vise à diviser la classe et à détourner le mécontentement social grandissant vers l’opposition à une prétendue « invasion islamique ». C’est un danger qu’il ne faut certainement pas sous-estimer.
Combattre la résignation, unifier les luttesLe climat est néanmoins en train de changer. La Cgil a été poussée à appeler à une manifestation nationale le samedi 25 octobre. Cette manifestation, même si elle était très nombreuse, n’est pas encore celle qu’il faudrait. Pour la direction de la Cgil, l’objectif est de changer la politique du gouvernement par des amendements et de servir de courroie de transmission à la soi-disant « gauche » du Parti démocrate. Cette manifestation a néanmoins clairement montré que des secteurs importants trouvent intolérables les politiques libérales du gouvernement, considéré jusqu’à il y a peu de temps comme « ami ». La demande d’une vraie grève générale était très présente. Une potentielle opposition au gouvernement et aux forces patronales émerge peu à peu.Mais la direction de la Cgil pourra difficilement donner une suite réelle à ces luttes et à cette mobilisation. Les dirigeants du principal syndicat italien ont peur de développer une lutte générale et articulée, et d’aller vers une épreuve de force sociale. Aujourd’hui il n’y a toujours pas de date de grève générale, et la Fiom a appelé à une grève des métallurgistes... mais en la divisant en deux journées. Ainsi il y aura une manifestation à Milan le 14 novembre, jour où le syndicalisme « combatif et de classe » a appelé à une journée de grève et de mobilisation, et une manifestation à Naples le 21 novembre. Le risque d’une fragmentation excessive des initiatives est réel, quand il faudrait au contraire les unir pour ne pas disperser le potentiel qui a émergé, tout en combattant la résignation encore présente et en réactivant toutes les énergies de la classe.
De Turin, Gippo MukendiTraduit par Ross Harrold