Publié le Vendredi 1 juin 2012 à 12h44.

La situation en Tunisie

Extraits d’un entretien avec deux syndicalistes de l’UGTT-PTT (10 mai 2012)

Après les élections d’octobre 2011, on a assisté à une bipola­risation entre : la troïka au pouvoir dominée par les islamistes d’ Ennahdha, alliés au CPR de Marzouki et aux sociaux-démocrates­ d’Ettakatol ; l’opposition libérale, avec la tentative du précédent Premier ministre de recomposer une force réunissant les anciens du Destour de Bourguiba et des partis issus de la dissolution du RCD de Ben Ali. La consolidation d’ EnnahdhaLes dirigeants d’Ennahdha conçoivent leur action dans la durée. Ils veulent prendre le temps de renforcer leur implantation. Après les prochaines élections de 2013, ils espèrent avoir cinq ans de tranquillité pour asseoir durablement leur domination. Ennahdha avait commencé par mettre l’accent sur l’inscription de la charia dans la Constitution. Cela lui a permis de tester les capacité de résistance de ses opposants, ainsi que de lancer des signaux en direction des jihadistes et des salafistes. Le 26 mars 2011, Ennahdha a finalement renoncé à cette exigence. En lien avec le pouvoir, les milices d’Ennahdha et les salafistes multiplient menaces et attaques contre les libertés individuelles. Ils s’en prennent particulièrement aux libertés des femmes et à la liberté d’expression. Les responsables d’Ennahdha ne s’opposent pas à de tels agissements d’islamistes qui leur servent en fait souvent d’hommes de mains. À la télévision, on a pu voir des vidéos où la police et les milices islamistes attaquent de façon coordonnée les manifestants. À la base, une symbiose se réalise entre militants d’Ennahdha et salafistes. L’effritement des autres partis politiquesMême si le président Marzouki dénonce certains agissements islamistes, beaucoup de dirigeants du CPR sont liés à Ennah­dha. Résultat, le CPR a récemment éclaté.Ettakatol, le parti social-démocrate dirigé par le président de l’Assemblée constituante, connaît de nombreux départs. Au centre-droit, le PDP a perdu sa crédibilité initiale. Pour tenter de subsister, plusieurs partis de centre-gauche tentent de se regrouper.À la gauche de la gauche, la plupart des groupes font cavalier seul (PTPD, MDP, LGO, etc.). Le PCOT s’est par contre allié avec d’autres courants. La montée du désintérêt pour les partis politiquesLe désintérêt était perceptible au moment des élections d’octobre 2011, où presque un électeur sur deux ne s’était pas déplacé pour voter. Il n’a fait que s’amplifier depuis. De nombreux électeurs d’Ennahdha regrettent d’avoir voté pour le parti islamiste et pourraient s’abstenir en 2013. La montée des mobilisations Les revendications économiques et sociales portées par la révolution n’ayant pas été satisfaites, on assiste, depuis février, à une reprise des mobilisations, notamment dans les régions déshéritées de l’intérieur d’où est partie la révolution. Elles sont principalement impulsées par l’Union des diplômés chômeurs (UDC), les mouvements des jeunes dans les régions pauvres et les banlieues des grandes ville, diverses coordinations locales, ainsi que l’UGTT. Incapable de répondre aux revendications, le pouvoir utilise la répression, comme par exemple le 7 avril à Tunis contre une manifestation de chômeurs. Pour le 1er Mai, l’UGTT a décidé de passer outre l’interdiction de manifester avenue Habib-Bourguiba. Et le gouvernement a dû reculer.

Texte intégral disponible sur le site de l’Union syndicale Solidaires, www.solidaires.org