Publié le Mercredi 8 septembre 2021 à 14h07.

Les manifestations du 7 septembre au Brésil

L’indépendance du Brésil date du 7 septembre 1822, où le prince-régent évince son père Joao VI est devient Pedro 1er, empereur du Brésil. Une indépendance finalement sans grand drame et consolidée par une transaction financière entre le Brésil et le Portugal sous les auspices de la Grande Bretagne. C’est l’occasion d’un défilé militaire. C’est cette date que Bolsonaro avait choisi pour faire une grande démonstration de force.

Une démonstration de force pour masquer les faiblesses

Le clan Bolsonaro a choisi cette date du 7 septembre pour faire une démonstration de force, préparée depuis longtemps, à grand renfort d’argent, celui du budget de l’état et aussi de l’argent sale (le maire bolsonariste d’une petite commune du sud du Brésil a été intercepté jeudi dernier avec plus de 80 000 euros cachés dans son slip !) Pas trop téméraires, les Bolsonaristes avaient décidé de concentrer l’essentiel de ces démonstrations à Brasilia le matin, et São Paulo l’après-midi.

C’est qu’il en a bien besoin, le Bolsonaro de cette démonstration force ! Il est en baisse dans tous les sondages, chahuté par les avancées de la CPI (Commission Parlementaire d’Enquête) de la Pandémie qui démontre chaque jour un peu plus non seulement sa gestion désastreuse, négationniste et criminelle de la pandémie mais aussi l’implication de son entourage dans la corruption qui règne au ministère de la santé. Ces deux fils Flavio et Carlos font l’objet d’enquêtes policières sur les pratiques de rachadinha (couper la poire en deux) par lesquelles ils ont, pendant des années, taxé à leur profit une part des salaires des employées de leur cabinet de député (Flavio) ou conseiller municipal de Rio (Carlos). Enfin ses outrances verbales répétées contre le STF (Tribunal Supérieur Fédéral), contre la démocratie et la constitution brésilienne renforcent son isolement ; le secteur financier, le secteur exportateur de l’agrobusiness par exemple ont pris publiquement leur distance. La grande peur de Bolsonaro est d’être destitué et de voir ses fils emprisonnés.

Bolsonaro a encore une majorité au parlement. Elle le protège contre la destitution, mais pas au-delà. Et c’est une majorité mercenaire, formée de ces députés du centre mou de la vie politique brésilienne. Leur fidélité doit être sans cesse entretenue par des postes dans l’administration et de l’argent pour leur circonscription. Ils seront aussi les premiers à quitter le navire au premier signal de vent contraire.

Un bilan en demi-teinte

Visiblement, la marée jaune et verte (les couleurs du Brésil) souhaitée par les Bolsonaristes n’a pas eu lieu. A Brasilia, ce matin du 7 septembre, ils étaient 50 000, peut-être 60 0000. Certains membres du clan ont même laissé transparaître leur déception. Dans son discours Bolsonaro a répété les sempiternelles attaques contre les pouvoirs judiciaire et législatif et annoncé la convocation du conseil de la République, une instance consultative aux contours mal définis. Finalement le fait saillant de cette partie de Brasilia aura été les scènes d’émeutes protagonisées par les supporters du président la veille au soir dans une tentative grotesque de démonter les barrières de sécurité installées pour protéger le parlement et le STF.

Beaucoup plus de monde à São Paulo l’après-midi. 120 000 personnes sont venues remplir l’avenue Paulista. Bolsonaro, encore plus agressif, a attaqué cette fois nominalement le juge du STF Alexandre Morais (sa bête noire du moment). Il est surtout revenu sur la critique du système de vote électronique utilisé au Brésil pour défendre l’impression du vote par une imprimante associée à l’urne, remettant en cause par avance le résultat des élections à venir (il se voit déjà perdant) qui n’utiliseraient pas ce système.
 

Dans les autres capitales du Brésil (Rio de Janeiro, Belo Horizonte….) des manifestations ont eu lieu. Les Bolsonaristes ayant choisi de favoriser Brasilia et São Paulo, elles n’ont été ni un échec cinglant, ni un franc succès et participent de ce bilan en demi-teinte.

La réponse de la gauche

Une partie de la gauche (le PT et même une partie du PSOL) mise tout sur une stratégie électoraliste pour élire Lula en 2022 et n’a pas voulu s’atteler vraiment à la tâche de convoquer les contre-manifestations. Comme l’anticipait Roberto Robaina, le 6 septembre dans la revue Movimento, en l’absence d’un effort de mobilisation systématique, on ne pouvait s’attendre á ce que les manifestations de la gauche contre aient plus d’ampleur que celles de la droite fasciste. Dans beaucoup de villes les forces de gauches avaient choisi de rejoindre les cortège du « Grito dos excluidos (le cri des laissés pour compte) », qui rassemble traditionnellement depuis 1995 tous ceux, femmes, noirs, pauvres, habitants des favelas que l’Indépendance et plus tard la République ont laissé de côté.
 

Cela a donné des cortèges significatifs à Rio, Porto Alegre, Belo Horizonte et surtout à São Paulo où à la même heure et à mois e 2 km, la gauche rassemblait 15 000 participants dans un meeting vibrant. A Brasilia, les manifestants se sont joints aux délégations des peuples originaux qui campent depuis plus d’une semaine prés do STF pour s’opposer à une restriction de leurs droits sur leurs terres historiques.

Dans toutes ces manifestations, des jeunes, des femmes, des habitants des favelas et des quartiers périphériques, quelques délégations syndicales. Et plus généralement, dans tous les quartiers, les discours de Bolsonaro ont été ponctués par des « panelaços », les désormais traditionnels concerts de casseroles.

Et maintenant ? Unité dans la rue pour chasser Bolsonaro

Ce 7 septembre a donc été un jour ou, toujours selon Roberto Robaina, Bolsonaro a montré sa force et laissé transparaitre sa faiblesse. De fait aucune action d’envergure effective contre les institutions démocratiques dominées par la bourgeoisie n’a été tentée ; Bolsonaro et les siens n’ont pas osé aller au-delà du discours. Mais l'apparition de cette force ne doit bien sûr pas être sous-estimée. L'extrême droite a relevé la tête et est au gouvernement. Le pouvoir exécutif a une force d'attraction et des atouts. Le coup d'État est une politique du gouvernement lui-même. Il se trouve que Bolsonaro n'a pas su utiliser le pouvoir exécutif pour hégémoniser la classe dirigeante. Ses orientations ont produit une division irréversible. Une partie importante de la bourgeoisie a décidé, après de nombreuses tentatives de conciliation et de cohabitation, de l'affronter. D'où la sympathie que les actions des juges de la Cour suprême, par exemple, suscitent chez des millions de personnes ayant une conscience démocratique.

La démonstration des bolsonaristes n’a pas inversé la dynamique d’usure du gouvernement. Après le 7 septembre, c'est le scénario de la pandémie, du chômage, de la hausse des prix en général et de l'énergie en particulier, de la possibilité de rationnement, qui revient sur scène. Ce sera aussi le retour des accusations de corruption du gouvernement et du mécontentement social contre Bolsonaro. Rien de tout cela ne va changer. La faiblesse sera toujours la marque du gouvernement et la possibilité de le renverser reste à l'ordre du jour.

Un effet d’optique peut donner momentanément l’impression que les forces du gouvernement et de l’extrême droite descendues dans la rue sont supérieures à celles de l’opposition dans la rue. Il n’en est rien : les manifestations du 19 Juin et surtout du 24 Juillet contre Bolsonaro n’ont pas eu l’appui de l’appareil d´état mais elles ont rassemblé plus de gens, dans plus de villes que les bolsonaristes aujourd’hui. C'est pourquoi nous devons refuser toute politique qui ne s’appuie pas sur la force des travailleurs et des courants et partis qui se réclament de la gauche dans la rue ; qui ne l'appelle pas à descendre dans la rue avec détermination et de manière organisée. Nous refusons dépendre de la seule réaction des institutions démocratiques bourgeoises. Nous sommes plus forts, plus conscient, même si ce jour du 7 septembre nous a vu sur la défensive. Et nous devons nous préparer à de nouvelles actions, et défendre au sein des forces politiques la campagne «Bolsonaro dégage» et que cette bataille se gagnera dans la rue et dans l’unité.