Le taux de contamination aurait dépassé à nouveau le seuil critique de « 1 », le nombre de cas parmi les travailleurEs des abattoirs inquiète, et la mise en quarantaine d’une équipe de foot a stoppé la reprise symbolique de la Bundesliga. L’annonce par la chaîne de centres commerciaux Galeria Kaufhof (28 000 salariéEs) de la fermeture de la moitié de ses filiales confirme les alertes aux plans sociaux. Quelques mobilisations qui ont surtout eu lieu le week-end des 9 et 10 mai défraient la chronique.Le déconfinement a commencé depuis deux semaines dans certaines régions. D’un côté, de nombreux et nombreuses travailleurEs restent en arrêt maladie et expriment leur mécontentement face à une reprise du travail dans des conditions qu’ils jugent dangereuses. De l’autre, notamment dans les régions peu touchées par le virus, certains pensent que le gouvernement a exagéré le danger pour restreindre les libertés individuelles et/ou pour justifier les attaques patronales sur le temps de travail et les emplois.
Des « manifestations corona », mais pas de la meilleure couleur
C’est sur ces inquiétudes que surfent les conspirationnistes – pour l’essentiel d’extrême droite – qui s’étaient déjà manifestés en avril dans les rues de Berlin et Stuttgart. Ces derniers jours, leurs rassemblements se sont multipliés et ont pris quelque ampleur. Le 10 mai, trois nouveaux rassemblements, allant de quelques dizaines à 1 200 personnes, ont eu lieu à Berlin. La veille, environ 300 personnes avaient manifesté à Düsseldorf. À Gera, Leipzig, Cologne, Francfort, quelques centaines sont descendues dans la rue, de l’ordre de quelques milliers à Stuttgart et Munich. Ces manifestations n’avaient généralement pas été déclarées, ou pour un nombre bien inférieur de personnes. Les « mesures barrières » y étaient ouvertement ignorées, voire portées en dérision. À Berlin, sur l’Alexanderplatz, le rassemblement a tourné à l’affrontement avec la police, d’où 86 gardes à vue de manifestantEs ensuite relâchés. La police avait été plus ferme avec les rassemblements du 1er Mai.
Autant qu’on puisse en juger – car nous n’avons pas participé à ces manifestations – celles-ci n’étaient pas monocolores ; elles exprimaient l’anxiété d’une partie (certes ultra-minoritaire) de « gens d’en bas » face à la situation sociale ; étaient marquées par la présence large de milieux anti-vaccins, de groupes bien visibles de militants de « l’ultra droite » et de représentants de l’extrême droite plus institutionnelle, autour de l’AfD. Des slogans, voire des discours, dénonçaient la dictature instaurée par Angela Merkel, ou la prétendue infiltration de l’OMS par Bill Gates. D’autres pourfendaient le « capitalisme financier », au nom de la défense des libertés démocratiques… Bref, l’extrême droite dominante dans ces rassemblements avait mis au second plan et pour la circonstance sa démagogie anti-migrantEs et anti-musulmanEs, pour cibler les préoccupations du moment, du moins traduites à sa sauce.
Contrer une possible montée de l’extrême droite
Pour le moment, ces rassemblements – inquiétants certes – restent pour le moins modestes, très calculés et circonstanciels de la part de leurs initiateurs. L’Allemagne n’est pas le seul pays où une partie de l’extrême droite tente, de manière plus ou moins hâtive et brouillonne, de mobiliser autour de fadaises complotistes. Généralement, ces tentatives sont restées en deçà des réactions ouvrières qui ont imposé des mesures sanitaires au patronat. Mais ces manifestations peuvent néanmoins apparaître comme la seule voix déterminée d’opposition au gouvernement et à sa politique contre les classes populaires. Des sondages leur accordent quelque popularité. Dans un contexte où patrons et gouvernements vont présenter une énorme facture au monde du travail, ce dernier et en son sein les révolutionnaires ne doivent évidemment pas laisser l’extrême droite se présenter pour ce qu’elle n’est pas, une opposition radicale et de classe au système.