Décidément, gouvernements et institutions de l’Union européenne détestent la démocratie. Il y a dix ans, ils ont pu compter sur les dirigeants politiques français pour effacer un Non populaire à la Constitution européenne. Depuis le 25 janvier 2015 et la victoire électorale de Syriza en Grèce, la troïka UE-BCE-FMI use d’une brutalité inouïe pour faire capituler le gouvernement Tsipras, pour que le choix populaire d’en finir avec l’austérité soit bafoué.
Pour eux, il s’agit de jeter dans les poubelles de l’histoire européenne toute souveraineté autre que technocratique et néolibérale, toute perspective de progrès social. Avec l’annonce vendredi 26 juin par Alexis Tsipras d’un référendum pour refuser un nouveau mémorandum dans la continuité de ceux qui ont ruiné la Grèce depuis 6 ans, les mêmes hurlent à la rupture unilatérale des « négociations ».
Pourtant, soumis à un étranglement du système financier international, le gouvernement grec a effectué des reculs considérables par rapport au programme de Thessalonique sur lequel il a été élu, cherchant des compromis bien problématiques. Mais le parti capitaliste européen est resté rigide sur ses positions : la dette doit être remboursée, les restes d’acquis sociaux démantelés, les biens publics privatisés ou ruinés. Les normes néolibérales corsetant l’Union européenne ne peuvent plus être remises en cause même si elles provoquent une tragédie sociale et humaine.
Une bataille populaire contre l’austérité
La décision fracassante de faire trancher cette situation par la volonté populaire, la dénonciation par le gouvernement grec du chantage auquel il a été soumis, changent la donne politique. Comme l’a déclaré Stathis Kouvelakis, membre du Comité central de Syriza : « Le tournant que nous espérions, dont, c’est vrai, nous avions commencé à douter qu’il fût possible, est survenu. La sinistre parodie des “négociations”, la spirale des reculs et des concessions a été stoppée. Le tournant a pris forme autour d’un mot simple, évident, qui a la clarté d’un couperet : non à l’ultimatum de la troïka, la parole au peuple », ajoutant que l’heure est à « l’unité populaire pour le non et la rupture ».
La plateforme de gauche, Red Network, un des courants de la gauche de Syriza, souligne que « cela traduit le fait que les mobilisations sociales qui ont trouvé une expression politique dans le vote du 25 janvier 2015 ont des racines plus profondes que ce qu’avaient anticipé les supporters d’une politique néolibérale d’austérité à l’échelle nationale et internationale. »
Une bataille d’envergure est donc engagée pour un Non massif aux mémorandums, à l’austérité, à la dette, au chantage des créanciers, mais aussi pour la relance du débat public à plus long terme sur les choix de rupture à engager sur ces bases.
Pressions financières et terreur idéologique
Face à cette situation, les institutions capitalistes ne restent pas l’arme au pied en attendant le verdict populaire. Leur objectif est politique : elles redoutent comme la peste toute contagion grecque dans d’autres pays de l’Union européenne, à commencer par l’État espagnol. Et en ce moment, elles sont engagées dans un véritable coup d’État financier.
Elles usent et abusent aussi d’une véritable terreur idéologique : il n’y a pas d’autre politique que la nôtre, si vous ne vous inclinez pas devant elle, ce sera la catastrophe pour vous... Et qu’importe si en Grèce, la catastrophe est déjà là... et à cause de cette politique. Les éditorialistes, dont certains se disent de gauche, stigmatisent ces Grecs qui refusent les sacrifices, alors que les autres peuples de la périphérie européenne accepteraient ceux-ci avec lucidité. La réalité, c’est que, bien à l’abri derrière leurs privilèges, ces membres de la « casta » comme dit Podemos en Espagne, militent pour les sacrifices des autres... et d’abord des pauvres.
Dans le même temps, les dominants sont un peu ébranlés : les bourses ont fortement chuté lundi 29 juin... et tel ex-dirigeant d’institution financière se met soudainement à proposer un compromis nécessaire qui serait moins dur aux Grecs.
La solidarité doit s’exprimer massivement
Dans l’immédiat, l’essentiel est que, dans le référendum du dimanche 5 juillet, la volonté populaire grecque rejette massivement l’austérité permanente et le déni de démocratie. Hollande, Merkel, Junker, Lagarde et consorts défendent bec et ongles les intérêts du capital et veulent faire un exemple pour toutes les résistances qui peuvent gonfler dans le reste de l’Union européenne. Au vu de l’enjeu, il est décisif de ne pas laisser le peuple grec isolé : en dénonçant l’attitude scandaleuse du gouvernement français et des banques, en exigeant l’annulation de la dette indigne, injuste et insoutenable. Il faut des mobilisations de solidarité massives, pour que la confiance augmente, pour que le Non gagne en Grèce. Ensuite, il s’agira pour touTEs d’élargir la brèche !
Émile Fabrol et Jacques Babel