Publié le Vendredi 28 mai 2010 à 21h57.

Nucléaire iranien : les faux-semblants diplomatiques

Lundi 24 mai, l’Iran a remis à l’Agence internationale de l’énergie atomique une lettre formalisant l’accord entre l’Iran, le Brésil et la Turquie sur le nucléaire. « Une victoire pour la diplomatie », dit Lula, mais elle ne désarme pas les visées impérialistes des USA et d’Israël. Alors qu’à l’ONU les USA, main dans la main avec la Russie et la Chine, concoctaient une résolution en vue de nouvelles sanctions contre l’Iran, le Brésil et la Turquie (pays membre de l’Otan) sont parvenus à un accord avec Téhéran qui vient donc d’être confirmé par écrit. Cet accord prévoit un échange de combustibles nucléaires : l’Iran transférerait 1 200 kg d’uranium légèrement enrichi en Turquie et recevrait en échange 120 kg d’uranium enrichi à 20 %, combustible pour son réacteur de recherches médicales. L’accord vise à permettre l’approvisionnement de l’Iran en uranium enrichi pour ses besoins civils sans qu’il ait à le produire sur son sol. En effet, cet uranium enrichi est aussi nécessaire pour la fabrication de l’arme atomique. Le texte a été signé en grandes pompes de façon démonstrative par les ministres des Affaires étrangères des trois pays en présence d’Ahmadinejad et de Lula ainsi que du Premier ministre turc. Il représente un geste politique d’indépendance vis-à-vis des USA qui permet au Brésil et à la Turquie de jouer un rôle sur la scène mondiale dans le même temps que Téhéran en fait un geste de bonne volonté, accusant les USA de la responsabilité des tensions entre les deux pays. En février, après que Téhéran a lancé la production d’uranium enrichi à 20 %, les puissances occidentales et la Russie ont accéléré les négociations pour faire adopter de nouvelles sanctions contre l’Iran par le Conseil de sécurité de l’ONU. Ce dernier l’a déjà sanctionné trois fois pour les mêmes raisons. « Il n’y a plus besoin de sanctions », déclarait le ministre des Affaires étrangères turc, alors que celui du Brésil affirmait que le « temps est toujours à la diplomatie et la négociation ». « L’Iran, en acceptant la proposition turque et brésilienne, a montré sa bonne volonté. Désormais, la balle est dans le camp des Occidentaux, et le groupe de Vienne (États-Unis, Russie et France) doit donner une réponse adéquate à l’offre de coopération de l’Iran », a déclaré le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique. Israël a aussitôt dénoncé des « manœuvres » de Téhéran accusé de manipuler la Turquie et le Brésil. Plus réservé, le porte-parole d’Obama, Robert Gibbs, se contentait de dire « nous prenons acte des efforts consentis par la Turquie et le Brésil ».  Il n’est cependant pas question de revenir sur le projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU prévoyant de nouvelles sanctions. Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, avait déjà prévenu que Téhéran devait tout de même se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité. Israël, les USA et l’ONU prennent argument du fait que l’accord signé n’empêche nullement l’Iran de  continuer à enrichir l’uranium à 20 % sur son propre territoire. Chacun joue sa partie en fonction de ses propres intérêts. Les USA et leurs alliés européens cherchent à associer la Chine et la Russie au maintien de l’ordre mondial, contre les peuples. La Turquie et le Brésil, puissances émergentes, se font les avocats de l’Iran pour mieux s’imposer comme puissances internationales alors que la dictature iranienne tente de jouer des contradictions… La paix n’est pas vraiment leur souci, ni le sort des peuples. Ce qui se négocie, ce sont les rapports de forces internationaux. Yvan Lemaitre