Publié le Samedi 26 novembre 2011 à 11h53.

Nucléaire iranien, région sous tension

Le régime de Téhéran est à nouveau au centre d’une crise internationale dont nul ne peut prédire l’issue.Le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), publié le 9 novembre, a mis en lumière le caractère militaire du programme nucléaire de la République islamique d’Iran. En parallèle, le gouvernement israélien a organisé des « fuites » sur une éventuelle intervention militaire contre les sites nucléaires iraniens. La publication du rapport de l’AIEA coïncide avec un contexte régional particulièrement instable qui se double d’une crise politique durable au sommet du pouvoir iranien.

Dans la continuité du soulèvement des peuples de la région contre les régimes dictatoriaux, le pouvoir de Bashar el-Assad, allié stratégique de la mollarchie, vacille. La chute du régime syrien serait un coup dur pour la République islamique. De nombreux témoignages venant de Syrie attestent de la participation d’unités des Gardiens de la Révolution à la répression.

Après avoir muselé l’opposition interne menée par Moussavi et Karoubi (candidats battus lors de la présidentielle truquée de 2009) et après avoir réprimé les contestations populaires massives, le torchon brûle entre le président Ahmadinejad et le Guide Ali Khameneï. En toile de fond, la lutte de pouvoir qui oppose les différentes factions du régime et les élections présidentielle et législatives de 2013.

La frange conservatrice religieuse incarnée par le Guide entend reprendre la main face à la clique d’Ahmadinejad. Cette nouvelle fracture traverse tout les niveaux du pouvoir et divise la direction des Gardiens de la Révolution, bras armé du régime qui contrôle le programme nucléaire.

C’est dans ce contexte qu’intervient le débat en Israël et au sein des administrations occidentales sur d’éventuelles frappes contre les infrastructures nucléaires iraniennes.

Attaques informatiques, sabotages, exfiltrations de transfuges, assassinats d’experts... les services de renseignements occidentaux et israéliens mènent déjà une guerre secrète contre le programme nucléaire iranien. Dernier acte en date, la violente explosion qui a fait au moins dix-sept morts et de nombreux blessés, samedi 12 novembre, sur une base militaire des Gardiens de la Révolution à Bidganeh, au sud-ouest de Téhéran. Cet attentat a coûté la vie à un général des pasdarans, à l’origine du programme balistique iranien.

Le véritable danger vient de Tel Aviv, seule puissance nucléaire de la région et qui entend conserver ce monopole. Ce n’est pas la première fois que les dirigeants israéliens brandissent la menace d’une intervention militaire contre l’Iran, mais jamais dans de telles proportions. Bien que l’ensemble des experts estiment que le bombardement des sites nucléaires iraniens ne fera que retarder de quatre ans au plus le programme de Téhéran, on ne peut exclure une action militaire dans les mois à venir.

En effet, les leaders israéliens Netanyahou, Ehoud Barak et Moshe Yaalon sont confrontés, entre autres, à la crise sociale et à une contestation que reflète notamment le mouvement des indignés. L’État d’Israël accentue les tensions régionales pour mieux cadenasser la contestation sociale interne qui mine le consensus nationaliste-sioniste. Contre l’avis de leur état-major et des services de renseignements occidentaux, Netanyahou et consorts pensent avoir une « fenêtre de tir ». Ils comptent convaincre leurs parrains états-uniens d’intervenir contre l’Iran ou de les soutenir activement. Une position qui se nourrit de la faiblesse d’Obama qui, à un an des présidentielles, peine à dicter ses conditions. Position renforcée par l’expédition impérialiste en Libye destinée à se débarrasser de Kadhafi pour installer un pouvoir plus conciliant. Cette politique entend profiter des soulèvements populaires légitimes contre les dictatures pour reconfigurer la région au profit des grandes puissances impérialistes et enrayer la dynamique émancipatrice du printemps arabe.

À l’aube d’une nouvelle guerre ?En ce qui concerne l’Iran, un tel scénario exige qu’au sein de la direction de la République islamique et des Gardiens de la Révolution se dégage une faction disponible. À cette étape, et cela ne présage pas de l’avenir, ce pari est pour le moins hasardeux.

Une agression militaire contre la République islamique comporte des risques immenses, d’où l’opposition des chancelleries occidentales et de la Maison-Blanche. Téhéran a une capacité de riposte directe et indirecte importante et ne restera pas sans réagir. Cela mènera à une conflagration régionale. Enfin, à l’heure où les puissances impérialistes engagent leur retrait d’Irak et d’Afghanistan, une guerre d’occupation est exclue. Toute action militaire contre l’Iran provoquera un réflexe nationaliste et anti-impérialiste massif. Des conservateurs aux « réformateurs », toutes les factions de la République Islamique soutiennent le programme nucléaire. Une intervention militaire ne ferait que ressouder un régime profondément divisé. La République islamique en sortirait renforcée et le peu d’espace conquis par les luttes populaires se refermerait aussitôt.

Les conflits au sommet, le peu de légitimité d’Ahmadinejad, les affaires de corruption qui touchent les arcanes du pouvoir, le discrédit qui frappe le Guide (lui qui a soutenu Ahmadinejad lors de sa réélection et de la répression qui s’en est suivie), la crise sociale et économique... accentuent la crise de régime et libèrent des espaces pour l’expression de la contestation sociale. Cela se traduit par de nombreuses grèves ouvrières, des luttes locales, des mobilisations des femmes, de la jeunesse étudiante ou des acteurs culturels... Les voies du renversement de la République islamique se situent dans l’activité sociale.

Plus que jamais, nous devons articuler une campagne internationale de solidarité avec les peuples d’Iran en lutte contre la République islamique et construire un large front d’opposition à une intervention impérialiste qui serait un désastre pour les peuples de la région.

Babak Kia