Publié le Lundi 24 septembre 2012 à 21h55.

Pakistan : Quand l’avarice des patrons coûte la vie à plus de 325 travailleurs

Le Pakistan a connu, le 11 septembre, deux incendies d’entreprises particulièrement meurtriers.Au moins 300 ouvrières et ouvriers, selon les dernières estimations, ont trouvé la mort à Karachi (la métropole industrielle au sud du Pakistan) dans l’incendie de leur usine de confection Ali Enterprises. Ils étaient un millier dans ce bâtiment de quatre étages qui ne possédait qu’une sortie accessible. Bien des victimes sont mortes de suffocation, bloquées dans les sous-sols. D’autres ont été grièvement blessées après avoir sauté dans le vide afin échapper aux flammes. Le même jour, 25 salariéEs ont été tués lors d’un autre incendie à Lahore – celui d’une usine de chaussure – dans le centre du pays. L’identification des victimes s’avère difficile, nombre d’entre elles étant des contractuels non déclarés, embauchés par des sous-traitants. Il faut ajouter que l’entreprise de confection elle-même n’avait pas d’existence légale.Comme c’est souvent la cas, aucune mesure de sécurité n’avait été respectée par des patrons pour qui seul compte le profit : fenêtres munies de barreaux, sorties de secours inexistantes ou verrouillées, pas ou peu d’extincteurs, portes et escaliers bloqués par des ballots de marchandises, produits hautement inflammables dans tous les coins, entassement du personnel… Pour Nasir Mansoor, secrétaire général de la fédération syndicale NTUF, au Pakistan « les travailleurs et travailleuses sont plus traités comme des esclaves que comme des êtres humains ».Qu’importe aux yeux des possédants la vie d’un travailleur ? Comme l’a fait amèrement remarquer Farooq Tariq, du Parti du travail (LPP), si des membres de l’élite étaient ainsi morts, le gouvernement aurait décrété une journée de deuil national ; il s’est en l’occurrence contenté d’envoyer quelques fleurs aux victimes hospitalisées. Les patrons criminels, inculpés, ont aussitôt été libérés sous caution alors que, pour avoir défendu les droits des ouvriers des métiers à tisser, les syndicalistes de Faisalabad ont été condamnés à 99 années de prison chacun au nom des lois antiterroristes.Sur le plan international, la fédération IndustriALL Global Union (IGU) et LabourStart ont immédiatement organisé une campagne de protestation1. Au Pakistan même, la colère populaire est grande. Une journée d’action nationale a été organisée le 15 septembre. Dans le grand centre textile de Faisalabad, la plupart des entreprises ont été fermées pour cause de grève. Des manifestations unitaires, regroupant syndicats et partis de gauche, ont notamment eu lieu à Islamabad, Lahore, Hyderabad, Karachi…La France connaît elle aussi ses incendies meurtriers, notamment dans les logements insalubres, ou ses scandales industriels – comme celui de l’amiante – où la vie des salariés ou usagers est jugée quantité négligeable par les possédants. Mais, du Bangladesh à la Thaïlande et au Pakistan, les incendies industriels font beaucoup de victimes. Une question sur laquelle le mouvement ouvrier international se doit d’agir avec plus de force.Pierre Rousset1. Voir http://www.labourstartcampaigns.net/show_campaign.cgi?c=1574* Après une longue campagne de solidarité à laquelle nous avons participé, notre camarade du LPP Baba Jan a été libéré sous caution. Incarcéré au nom des lois antiterroriste, il a été torturé à plusieurs reprises par les services de sécurités et l’on a pu craindre pour sa vie.