Un paysage contrasté mais un renforcement global de leurs positions : tel est l’image qu’offrent les forces d’extrême droite dans l’Union européenne, au lendemain des résultats aux élections du 26 mai dernier.
Certaines de ces formations voient leurs résultats progresser de manière plus ou moins fulgurante, d’un scrutin comparable à l’autre, avec notamment le parti de la Ligue en Italie avec 34,3 % (contre 6,15 % aux européennes de mai 2014), qui double son score par rapport aux législatives de mars 2018, qui lui ont ouvert les portes du pouvoir gouvernemental.
D’autres se maintiennent peu ou prou, alors que leur score avait déjà atteint un score élevé. C’est le cas du RN français, qui obtient 23,3 % des voix, après avoir réuni déjà 24,7 % aux européennes de 2014. Cependant, alors que la participation en France a nettement augmenté (avec 50,1 % en 2019 contre 42,4 % en mai 2014), le parti de Marine Le Pen progresse tout de même en nombre absolu de voix, de 4,712 millions en mai 2014 à 5,286 millions.
Les paradoxes du contre-exemple danois
Certaines forces d’extrême droite reculent. Le cas le plus flagrant est celui du Parti du peuple danois (DFP). Ayant totalisé 26,6 % aux européennes de mai 2014 dont il était l’un des grands vainqueurs, il obtient 10,8 % au scrutin européen de 2019. Ce score d’un parti qui entretient des liens avec Marine Le Pen – son eurodéputé Anders Visitinen a participé à une réunion avec la présidente du RN français, le parti des « Vrais Finlandais » et la formation d’extrême droite EKRE, qui participe au gouvernement estonien –, mais qui a siégé au Parlement européen de 2014 à 2019 dans un groupe dirigé par les Conservateurs britanniques, interroge.
Son sort électoral récent, décevant de son point de vue, s’explique avant tout par le fait qu’il se trouve récemment pris entre deux feux. Le DFP pratique l’appui à des gouvernements de droite libérale sans avoir des ministres, ce qui a été le cas de 2001 jusqu’en 2011 puis de 2015 à 2019. En tant que prix de son soutien, il a obtenu une série hallucinante de durcissements de la législation en matière d’immigration et d’asile : 114 tours de vis législatifs au total, depuis juin 2015. Le plus emblématique, peut-être, étant constitué par la création d’un centre pour parquer des demandeurs d’asile déboutés et décrétés « indésirables » sur une île inhabitée (Lindholm), dans un bâtiment anciennement utilisé pour des recherches sur les maladies animales contagieuses, qui ouvrira en 2021. Toutefois, les « succès » de cette politique globale cruelle sont plutôt attribués, par la fraction de l’opinion publique qui y applaudit, à la ministre de l’Immigration Inger Stojberg, une représentante d’un parti « centriste » qui a repris à son compte nombre de mesures de l’extrême droite.
Au gouvernement, les extrêmes droites consolidées
Mais dans la majorité des cas où l’extrême droite a participé jusqu’à récemment (Autriche de décembre 2017 jusqu’au 18 mai 2019, Finlande de 2015 à mars 2019) où participe actuellement (Italie, Estonie) au gouvernement, cette expérience ne semble pas l’avoir discrédité au point de perdre une partie importante de son électorat. En Italie, au contraire, l’extrême droite progresse fortement. Dans le cas de l’Autriche, la révélation récente d’une vidéo qui a rendu publiques des pratiques de corruption et la recherche d’une mainmise sur les médias – l’ancien président du FPÖ, Heinz-Christian Strache, avait été piégé par une caméra cachée dans une villa sur l’île d’Ibiza, et a immédiatement démissionné – n’a pas tant que ça nui au parti d’extrême droite. Le « Parti de la liberté d’Autriche » (FPÖ) perd 2,5 % des voix par rapport aux européennes de 2014, mais se maintient à 17,2 %, limitant ainsi considérablement la casse. Une bonne partie de son électorat considère très manifestement que tout ce qui est révélé sur le parti n’est que mensonge de ses adversaires, voire qu’il s’agirait d’une « manipulation juive », et globalement que « les autres ne font pas mieux ».
Un renforcement global des positions des extrêmes droites donc, puisque les participations gouvernementales, de plus en plus nombreuses, se traduisent globalement par un maintien, voire une consolidation des extrêmes droites, ou par une extrême droitisation des droites…
Bertold du Ryon