Le 26 juin, la Tunisie a été frappée une seconde fois1 par un attentat terroriste qui a coûté la vie à 38 personnes. Ces deux opérations terroristes mettent à nu de graves défaillances au niveau des services de sécurité tunisiens. Leurs impacts sur l’ensemble de la société, plus particulièrement sur les conditions de vie des classes populaires, seront, très probablement, lourds de conséquences.
En effet, la cible est à nouveau le secteur touristique, gros pourvoyeur d’emplois et de ressources pour une partie de la population, certaines municipalités et l’État.
En grande majorité européens, les millions de touristes qui visitent la Tunisie depuis plus de quarante ans ont par ailleurs enrichi la culture locale, par un apport de diversité et de tolérance, aux antipodes de l’idéologie du terrorisme djihadiste. Les commanditaires des deux opérations cherchent aussi à saper le moral des Tunisiens, qui sont le meilleur rempart contre la volonté djihadiste de déstabiliser la société.
La raison principale des défaillances sécuritaires graves du ministère de l’Intérieur est, sans aucun doute, le choc qu’il a subi à la suite de l’ascension au pouvoir des islamistes en janvier 2012. Ces derniers ont cherché à s’approprier ce ministère, ou du moins à en contrôler les principaux services, pour garantir leur maintien au pouvoir et pour faciliter l’application de leur projet totalitaire d’islamisation de la société.
Malgré la démission de leur gouvernement en janvier 2014, puis leur défaite aux élections de fin 2014, ils ont maintenu leurs positions au sein de l’appareil sécuritaire, aussi bien par le biais des milliers de nouvelles recrues islamistes, que par la nomination de ministres de l’Intérieur islamistes, ou pro-islamistes notoires.
Mouvement social contre gouvernement néolibéral
Les deux attentats se sont produits à un moment où le mouvement social était en pleine effervescence. Le premier semestre 2015 a en effet connu un mouvement de grèves sans précédent, engageant des centaines de milliers de travailleurs, surtout dans la fonction publique. Parallèlement, le bassin minier était secoué par une énième révolte, pour protester contre la misère et le chômage qu’il récolte en contrepartie des richesses qu’il produit. La région frontalière avec la Lybie était par ailleurs traversée par des mini-soulèvements répétitifs, qui mettaient en branle des masses déshéritées.
En face, un gouvernement quadripartite, associant notamment les deux partis qui sont arrivés premiers lors des élections législatives d’octobre 2014 (Nidaa Tounes et Ennahdha), un gouvernement velléitaire et sans programme, se contentant d’appliquer sagement des politiques néolibérales dictées de l’étranger. Ces politiques sont incapables de stopper la dégringolade économique, de soulager la souffrance sociale dans laquelle est plongée la majeure partie de la population et de redonner espoir aux Tunisiens.
L’impasse sociale et politique
La société tunisienne est actuellement dans un état de choc. Le mois de jeûne du Ramadan conjugué à la chaleur de l’été, la cherté de la vie, les menaces djihadistes et l’absence d’alternative sont autant de facteurs qui pèsent lourd sur les épaules des Tunisiens. L’impasse sociale et politique persiste et pèse sur le moral général.
Aucune force politique n’émerge actuellement du lot avec un projet d’avenir, un programme et un guide d’action pour réaliser les revendications de la révolution. Pourtant, jamais en Tunisie le désir de changement et la volonté manifeste de le réaliser n’ont été si massivement partagés et si puissamment exprimés. La révolution n’a pas encore réussi à changer le système dominant, mais elle a déjà permis la transformation du peuple qui le subit. C’est cela le vrai atout pour l’avenir.
De Tunis, Fathi Chamkhi2