Le président Ben Ali a officiellement lancé la campagne pour la présidentielle et les législatives du 25 octobre, un simulacre d’élection que tous les démocrates tunisiens appellent à boycotter.
Le général-président Ben Ali, arrivé au pouvoir en 1987 après un coup d’État, se prépare à son cinquième mandat,rendu possible par la réforme du code électoral qui a supprimé la limite au nombre de mandats successifs. Le résultat ne sera pas différent des élections précédentes, avec un score dépassant 90 %, comme dans toute dictature qui se respecte. Le simulacre est agrémenté par la présence de trois « opposants » choisis par le dictateur, alors que la police, la justice et les médias continuent d’être au service du parti au pouvoir depuis l’indépendance.
Loin d’être montré du doigt, le régime bénéficie du soutien inconditionnel de l’Europe et surtout de la France, conforté à Tunis par Sarkozy qui a déclaré, en 2008, que « l’espace des libertés progresse ». Le dernier Forum de Davos a apprécié la politique libérale de Ben Ali, première en termesde compétitivité au Maghreb et en Afrique, l’une des premières au niveau arabe.
Mais tout n’est pas gravé dans le marbre de la dictature car, en Tunisie, il y aura un avant et un après Gafsa. La révolte du bassin minier de janvier 2008 (lire Tout est à nous ! n°24), fruit de la situation sociale, économique, politique et juridique de cette région du Sud, reflète le sort de tout un pays frappé par des décennies de mauvaise gestion et de paupérisation. Même si le tribut humain est très lourd (quatre morts et des dizaines de condamnations allant jusqu’à huit ans de prison), la détermination dont ont fait preuve les femmes, chômeurs, enseignants, mineurs et fonctionnaires de cette région a éclairé le monde sur ce que vivent les écartés du « modèle de réussite » tunisien. La seule réponse du régime a été de militariser la région et de réprimer les manifestations.
Par le passé, le régime emprisonnait et torturait des milliers de militants ayant un minimum d’activité politique. Avec la révolte de Gafsa, la répression franchit un nouveau cap en s’attaquant à des citoyens sans bagage militant. Cette répression de masse, avec celle des jeunes qui sont accusés de terrorisme, montre comment les marges de manœuvre de la dictature se rétrécissent.
Le régime a adopté un énième changement du code électoral interdisant la présentation à la présidentielle de candidats qui ne seraient pas chefs de partis. Cela a permis d’écarter la candidature de Néjib Chebbidu Parti démocrate progressiste (PDP), un des partis les plus combatifs de l’opposition égale, et celle de Mustapha Ben Jaafar du Forum démocratique pour le travail et les libertés.
Pendant que Ben Ali promettait le pluralisme et la démocratie, ses flics essayaient d’empêcher à Paris un rassemblement du Collectif pour le boycott des élections, interdisaient le journal et confisquaient le matériel de l’unique candidat critique, Ahmad Ibrahim (parti Ettajdid, ex-communiste), agressaient une fois de plus Radhia Nasraoui, avocate spécialisée dans les droits de ’homme et Hamma Hammami(Parti communiste des ouvriers de Tunisie), le tout quelques jours après une tentative de faire exploser la voiture d’un célèbre avocat des droits de l’homme, Abderraouf Ayadi.
Le régime n’est pas à court d’imagination pour se maintenir au pouvoir et jouer une apparente carte démocratique dont se satisfait largement la France.
Wassim Azreg