Pour François Hollande, c’est la faute à pas de chance ! Jeudi et vendredi derniers, le président français a visité la Tunisie. Cette visite officielle devait avoir un certain retentissement. Elle comportait un discours de Hollande lors d’une séance extraordinaire de l’Assemblée nationale constituante (ANC), alors même que celle-ci est occupée depuis le 1er juillet à débattre du projet de future Constitution de la Tunisie, débat crucial maintes fois reporté...Mais l’attention de l’opinion française comme tunisienne s’est largement tournée vers l’Égypte, en raison des événements majeurs qui s’y déroulent depuis le 30 juin. Ce qui relativisait l’importance accordée au passage de François Hollande à Tunis.
En soutien au régimeLa situation a contraint le président français à consacrer lui-même une partie de la conférence de presse du jeudi 4 juillet à l’Égypte, commettant d’ailleurs un lapsus en confondant un moment la Tunisie et l’Égypte. François Hollande a cependant tenté de tourner les choses dans un sens positif pour ses interlocuteurs politiques. Devant ce qu’il qualifiait d’ « échec » en Égypte, il soulignait le rôle de « modèle » qui incombait, selon lui, d’autant plus à la Tunisie : « Vous avez l’obligation de réussir ! » ou encore : « Votre réussite est majeure pour le monde arabe. » Alors que les gouvernements français avaient été des soutiens plus ou moins inconditionnels de l’ancien régime sous le dictateur Ben Ali, Hollande promet maintenant tout le soutien de la France à ce qui est appelée dans le langage officiel « la réussite de la transition ». Cette approche bienveillante envers un pouvoir très contesté a justifié la grande méfiance que rencontrait cette visite chez les Tunisiens qui veulent la poursuite des objectifs de la révolution, et en particulier auprès des associations de défense des droits de l’homme.Le principal enjeu du voyage présidentiel était en fait la représentation des intérêts économiques du patronat français. Ceci alors que les intérêts économiques allemands (notamment dans le secteur des énergies renouvelables) et britanniques ont récemment percé en Tunisie, et sont vus comme une menace par leurs concurrents français. Le président Hollande était accompagné de pas moins de 50 hommes d’affaires, majoritaires dans la délégation, à côté de dix ministres et cinq députéEs. Et François Hollande et son homologue tunisien, Moncef Marzouki, ont par ailleurs assisté à une rencontre entre les principales organisations patronales des deux pays, le Medef côté français, l’Utica côté tunisien, dont le journal tunisien Kapitalis a écrit qu’elle venait « clore en apothéose le séjour du président français » (sic).
Sur fond de néocolonialismeUn certain nombre de projets communs ont été envisagés, dont la construction d’un péage à Bizerte, la rénovation des ports, une ligne ferroviaire Tunis-Gafsa (sur laquelle sera transporté le phosphate exploité dans le bassin de Gafsa) ou encore la formation des cadres de l’administration. L’économie française tente aussi de s’implanter dans le secteur de l’énergie solaire, où l’Allemagne a pris une avance depuis la fin 2012.François Hollande a aussi annoncé la reconversion d’ « une partie » de la dette tunisienne envers la France (qui se monte actuellement à 7 milliards de dinars, entre 3 et 3,5 milliards d’euros, dont une bonne moitié dus à des créanciers publics). Apparemment, la mesure est envisagée pour un niveau de 500 millions d’euros. Ce terme de reconversion dissimule une technique néocoloniale de plus en plus utilisée par les pays créanciers et les institutions financières internationales. Le pays endetté doit alors utiliser son propre argent – celui qu’il devrait théoriquement verser au titre de « remboursement de la dette » – pour l’investir dans des projets décrits comme « utiles aux deux pays ». La plupart du temps, il s’agit de construire des sites de production ou des infrastructures qui seront par la suite utilisés par des entreprises du pays créancier (par exemple françaises) à leur profit principal ou exclusif. Ainsi, il s’agit de perpétuer la dépendance économique, en modifiant le langage et les moyens !
Bertold du Ryon