La seule garantie contre l’extrême droite est la mobilisation populaire !
Ce dimanche 8 janvier, une semaine jour pour jour après l’investiture de Lula, Brasilia, la capitale fédérale, a connu une journée d’émeutes, un Capitole à la brésilienne.
Les trois pouvoirs visés
Des milliers de manifestants bolsonaristes, qui campaient depuis des semaines devant le quartier général de l’armée ou venus pour l’occasion en bus affrétés pour l’occasion, se sont répandus au début de l’après-midi sur la grande place de Brasilia et ont envahi à la fois le Congrès fédéral (chambre des députés et Sénat), le Palais présidentiel de l’Alvorada et le siège du STF (Tribunal fédéral supérieur, Cour suprême). La stratégie annoncée reste la même : provoquer un chaos général qui justifierait (sic) une intervention militaire.
Dans un premier temps, l’impact est plutôt perturbateur : ce sont les trois pouvoirs de la démocratie brésilienne qui ont été pris en otage (législatif, exécutif et judiciaire). Les dégâts matériels (bâtiments, équipements, mobilier) sont importants Une œuvre de Di Cavalcanti a été lacérée, la galerie des portraits des présidents saccagée (mais pas ceux de Bolsonaro et de militaires de la dictature). Plus inquiétant, un lot d’armes de précision été volé.
Complicité de la police
Pourtant tout était annoncé depuis longtemps sur les réseaux sociaux : offre de transport gratuits et défraiements, objectifs désignés… et aurait pu être évité. Ce chaos a été possible d’abord et avant tout parce que le gouvernement du district fédéral de Brasilia (en principe responsable de la sécurité des lieux) a fait preuve, à tous les niveaux, non seulement de passivité, mais aussi de complicité. Le gouverneur de Brasilia Ibanez Rocha est un bolsonariste déclaré. Il a tenu à nommer secrétaire de la sureté du district Anderson Torres, ex-ministre de la Justice de Bolsonaro, actuellement en vacances en Floride (où Bolsonaro s’est réfugié). Et on a pu assister au triste spectacle de policiers trop peu nombreux, accueillant les putschistes, conversant amicalement avec eux, faisant des selfies.
La preuve de cette complicité est que, quand la police du district fédéral, face á la condamnation générale, a dû finalement réagir, les trois bâtiments ont été repris sans difficultés, en à peine une heure : le STF d’abord, le Palais présidentiel ensuite et enfin le Parlement. Environ 200 vandales ont été détenus en flagrant délit.
Condamnations multiples
Tout compte fait, la frange la plus radicale du bolsonarisme sort de cet épisode plus affaiblie et isolée au soir du 8 janvier. La condamnation de ses exactions a été générale, non seulement de la part des organisations politiques et syndicales de gauche et d’extrême gauche, mais aussi de droite et du centre, ainsi que les présidents de l’Assemblée législative, du Sénat, des Tribunaux supérieurs, et même de gouverneurs liés à Bolsonaro comme ceux de Rio et de São Paulo. La palme de la contrition revenant bien sûr à Ibanez du district fédéral, qui a dû licencier son secrétaire de la sécurité bolsonariste et présenter ses excuses aux présidents des institutions saccagées et au président Lula lui-même. Le front démocratique qui a soutenu Lula au deuxième tour des élections a tenu et s’est même renforcé.
Si l'on peut reprocher au ministre de la Justice de Lula, Flavio Dino, d'avoir trop facilement fait confiance aux promesses du gouverneur Ibanez, la réponse du gouvernement fédéral est finalement à la hauteur. Lula a décrété en fin d’après-midi une intervention fédérale dans la sécurité du District fédéral. La justice doit être rapide et rigoureuse. Ceux qui ont participé à ces actes de terrorisme, mais aussi pour ceux qui les ont organisés, planifiés et financés, à commencer par Anderson Torres et Ibanez Rocha, les apprentis sorciers de Brasilia devront rendre compte de leurs actes. Tout indique que les dernières concentrations bolsonaristes aux portes des casernes seront rapidement dispersées (enfin !).
L’entrée en lice de la rue
Dans deux articles récents, écrits avant ces événements, Israel Dutra et Pedro Fuentes brossaient le tableau politique du Brésil d'aujourd'hui : une victoire démocratique majeure, la force continue de la droite et de l'extrême droite, des actes extrémistes de portée limitée mais une forte menace pour les militants et les dirigeants. Et les exigences de la situation, plus pertinentes que jamais :
- refus de toute tentative d'amnistie pour les bolsonaristes pour les crimes commis ;
- renforcer la mobilisation populaire contre le coup d'État de Bolsonaro, avec la convocation immédiate d'actions de rue avec tous les secteurs engagés dans la défense de la démocratie.
Dès lundi 9, des manifestations à l’appel des organisations de gauche, dont le PSOL avaient lieu dans les principales villes du Brésil. Elles marquent la fin des négociations exclusives à l’intérieur des institutions et l’entrée en lice du peuple mobilisé dans cette lutte entre chaos et démocratie.
Luc Mineto est militant du MES/PSOL au Brésil