L’investiture d’un homme noir à la présidence des États-Unis, sur un Capitole qui fut édifié par des esclaves noirs, est un événement important. Mais les espoirs doivent désormais faire place à la mobilisation.
Certains des aspects les plus réactionnaires de la politique de Bush, devenus encombrants pour la classe dirigeante, comme le camp de Guantanamo ou le gel de la recherche sur les cellules souches ont été remis en cause par Obama.
Mais maintenant, après avoir bénéficié du soutien des grandes entreprises dans sa campagne électorale, Obama va devoir en assumer la politique car, du point de vue de la bourgeoisie, il a été élu pour rendre aux États-Unis leur prospérité et leur place dans le monde.
Le nouveau président cherche donc à y préparer la majorité de la population. Pour faire voter son plan de relance par le Congrès, il tend la main aux républicains, présentant comme innovante une politique bipartisane qui est une constante aux États-Unis depuis des décennies. Il subit une réelle pression de la bourgeoisie (mêlée de racisme, dans les cas extrêmes), mais aussi de son propre milieu politique. Les démocrates ont l’habitude d’habiller de progressisme les régressions qu’ils organisent. Clinton prétendait « aider » les gens à sortir de l’assistanat au moment même où il les jetait dans la pauvreté. Les vagues promesses d’Obama risquent d’être bien vite retournées : les espoirs de réforme de la santé peuvent se réduire à des cadeaux aux compagnies d’assurance, la politique d’emploi pourrait étendre la précarité et on peut craindre des investissements dans de fausses solutions aux problèmes environnementaux, comme l’utilisation d’agrocarburants.
Une grande partie du nouveau plan de relance (un tiers peut-être) sera constituée de crédits d’impôts. Obama annonce une intervention de l’État plus importante et, en même temps très insuffisante, tout en réduisant les impôts des personnes et des entreprises. Derrière les quelques annonces sociales, se cachent aussi le maintien du colossal budget militaire et des manœuvres d’envergure dans les banques, où des sommes énormes ont été récemment englouties, sans réelles garanties pour la population et sans contrôle. Dans ce contexte, ce sont déjà les salariés, tous les jours, qui payent la crise.
Par le biais des grandes fédérations syndicales, qui l’ont bien soutenu jusqu’ici, Obama peut tenter de réduire la pression de ce côté-là. Il a habilement choisi, dans ce but, sa ministre du Travail, Hilda Solis. S’il y parvient, la pression bourgeoise l’emportera encore plus facilement. Dans ces conditions, le mouvement ouvrier et social organisé a une responsabilité particulière : construire une pression revendicative de masse, lancer la contre-offensive. La grève victorieuse de Republic Windows and Doors (Rouge n° 2279, du 18 décembre 2008) a prouvé que les grandes banques ne sont pas intouchables face à la solidarité et à l’action collective. Alors qu’on parle beaucoup de réforme de la couverture santé, des milliers de professeurs ont rappelé qu’elle continue de se dégrader en manifestant, en décembre, à Los Angeles.
Dans le mouvement antiguerre, les contradictions déjà connues se retrouvent sur la question de l’Afghanistan, et donc sur l’audace de s’opposer dès maintenant à la nouvelle administration. Certains secteurs du mouvement immigré, l’une des grandes forces sociales dans la tourmente des années Bush, ont déjà lancé leur campagne des 100 jours. Ils appellent à une grande manifestation, le 1er Mai, si leurs revendications contre les rafles et pour des régularisations massives n’étaient pas entendues. Ils tentent d’élargir cette perspective à d’autres mouvements.
La simple existence de tous ces espaces de mobilisation potentiels est un acquis, lié aux espoirs placés en Obama par la majorité des salariés et de la population. Il ne sera pas facile de convertir ces espoirs en revendications et en luttes de masse mais, comme chacun s’en apercevra tôt ou tard, il n’y aura pas d’homme providentiel.