Après avoir été le principal architecte de la stratégie du Front national dirigé par Marine Le Pen, Florian Philippot a débuté il y a juste un an son aventure politique en solo. L’occasion de revenir sur une déconfiture.
Article initialement publié sur le site de la commission nationale antifasciste du NPA : http://tantquillefaudra.org/.
Suite au revers électoral du FN, et après avoir servi de fusible pour Marine Le Pen, Philippot lançait en septembre 2017 son parti Les Patriotes. La promesse était de créer une organisation plus large, plus ouverte et débarrassée des vieux démons extrémistes.
Un héritage encombrant
À sa naissance, le parti affiche un optimisme à toute épreuve, il avance le chiffre – sans aucun doute très exagéré – de 6 500 adhérentEs, et possède, il est vrai, un nombre d’éluEs non négligeable : 1 député, 3 députés européens et une trentaine de conseillers régionaux et départementaux, principalement dans le nord et l’est de la France. Philippot bénéficie encore d’un accès confortable aux médias, friands des petites phrases qu’il peut distiller contre le FN et Marine Le Pen.
Mais, même en profitant de la crise interne du FN, le pari d’aller se confronter à lui sur le terrain électoral était risqué – d’autres s’y sont cassé les dents avant lui. Problème de taille pour Philippot, le créneau du souverainisme est déjà largement encombré. Outre le FN, il se retrouve face à Debout la France, ou aux monomaniaques du « Frexit » de l’UPR.
Enfin, difficile pour lui de se défaire de l’image d’ex-bras droit de Marine Le Pen. Les Patriotes ont beau prétendre regrouper des militants de tous horizons, ses élus l’ont été sous l’étiquette FN. Un temps n°2 du parti, l’eurodéputée Sophie Montel a été au Front pendant 30 ans et y a chanté « l’inégalité des races » en chœur avec Jean-Marie Le Pen en 1996. Quant à la troisième eurodéputée, Mireille d’Ornano, elle a passé plus de 25 ans au FN, et a continué de soutenir Jean-Marie Le Pen après son exclusion du parti. Qui, dans ses conditions, peut croire Philippot quand il dénonce un FN « rattrapé par ses vieux démons » ?
Des déconvenues plus ou moins ridicules
Les déconvenues plus ou moins ridicules sont venues s’empiler semaine après semaine, hypothéquant grandement la survie politique, à moyen terme, de Philippot.
La première douche froide viendra des deux législatives partielles de janvier 2018 : les scores sont de 1,19 et 1,99 %, loin derrière un FN pourtant affaibli et en recul. Pour éviter d’enchaîner les échecs, le parti ne présentera pas de candidat pour les sept élections partielles suivantes.
Le 22 mars, il essaye de profiter de la journée de grève pour s’afficher au côté des salariéEs et des cheminotEs, mais la veille, la CGT écrit : « L’extrême droite, sous toutes ses formes, n’a pas sa place ni dans les cortèges syndicaux ni nulle part ailleurs ». Philippot ne s’approchera pas à plus de 100 mètres de la manifestation…
En avril, il lance sa « Marche pour la France », en réplique à la « Marche pour l’Europe » lancée par LREM. Le fiasco est flagrant : la « marche » ne rassemble que quelques dizaines de militantEs. Quelques jours plus tard, il organise une conférence de presse anti-Macron en compagnie de Geneviève de Fontenay. L’opération de com’ tourne une fois de plus au ridicule lorsqu’elle entonne l’Internationale devant un Philippot mal à l’aise, avant d’annoncer le lendemain que dorénavant elle ne s’affichera plus à côté de lui.
Enfin, au cours de l’été, la n°2 Sophie Montel claque la porte en dénonçant les pratiques de cour autour de Philippot et lui reprochant de « partir en vrille ». Plus grave, elle porte plainte contre Philippot, l’accusant d’avoir falsifié sa signature pour mettre la main sur ses indemnités d’élue au Parlement de Strasbourg. Les bonnes vieilles habitudes héritées du FN sont toujours là dans un parti qui osait revendiquer un fonctionnement fait de « démocratie directe » et « direction collégiale ».
Ultime tentative de reprendre la main, Philippot organise sa rentrée politique à Forbach, pour y lancer sa « bataille des européennes ». Une bataille sans combattants donc, puisqu’ils n’étaient qu’une petite centaine pour écouter son discours, cinq fois moins que pour le meeting de lancement du parti quelques mois plus tôt…
Pierre Dassin