Il y a trois mois, Benoît Hamon lançait le « Mouvement du 1er juillet », signant définitivement sa rupture avec le Parti socialiste, dont il avait pourtant été le candidat lors de la présidentielle. Il affiche désormais l’objectif de « refonder la gauche » et organise une rencontre nationale de son mouvement le week-end des 2 et 3 décembre.
«Vous voulez une société plus juste, plus écologique et plus démocratique. Vous êtes prêtEs à agir ? Construisons ensemble les fondations du mouvement du 1er juillet. » Telle est la promesse figurant sur la page d’accueil du site du « M1717 », qui revendique 30 000 membres (« inscrits sur le site internet ») et plus de 500 comités locaux. Une promesse a priori alléchante, mais dont on doute qu’elle puisse être tenue tant la démarche et les éléments de programme de Hamon, s’ils tranchent par rapport à ce qu’était devenu le PS, sont en deçà du minimum syndical.
De bonnes questions
Reconnaissons-le : Benoît Hamon a eu le mérite, durant la primaire du PS puis, dans une moindre mesure, lors de la présidentielle, de déplacer en partie le centre de gravité du débat politique. À l’opposé d’un Manuel Valls obsédé par les questions sécuritaires et identitaires, il a privilégié des thématiques liées au travail, à l’écologie, aux discriminations. Et c’est dans la continuité de ces campagnes qu’il se situe, revendiquant « une nouvelle synthèse politique entre une tradition socialiste, celle de l’écologie politique, une nouvelle approche de la croissance ».
Dans un questionnaire en ligne sur le site du M1717, destiné à préparer la réunion des 2 et 3 décembre, ce sont ces thématiques que l’on retrouve, au côté de propositions concernant le renouvellement des pratiques politiques : décentralisation, démocratie, ouverture à la « société civile », etc. C’est suffisamment rare pour être souligné : dans les thèmes mis en avant, on ne trouvera ni la « lutte contre le terrorisme » ni le « problème de l’immigration ». Et c’est tant mieux !
Des réponses qui sonnent creux
Mais le moins que l’on puisse dire est que, si l’on peut se retrouver dans plusieurs des – grandes – questions évoquées, difficile de trouver son compte dans les – petites – réponses proposées. Comme lors de la présidentielle, c’est en effet un festival de formules creuses : « changer l’économie », « développement tempérant », « nouveaux modèles entrepreneuriaux », « démarchandiser le monde », etc., sans aucune évocation des nécessaires mobilisations à construire pour s’opposer au cours actuel du capitalisme néolibéral.
Hamon continue en outre de se poser en défenseur du cadre de l’Union européenne, proposant de « réconcilier Europe et progrès » grâce à « une stratégie européenne transnationale, anti-austéritaire et progressiste, avec un agenda politique commun aux Européens » et dénonçant « le discours très critique à gauche qui juge que c’est l’Europe qui est devenue le problème, pas le néolibéralisme en son sein », comme si le néolibéralisme n’était pas dans l’ADN même des institutions européennes…
Une version moderne du « compromis » social-démocrate
Pour Hamon, « la social-démocratie, dans le rôle qui était le sien, celui d’une force politique qui organisait le compromis entre le capital et le travail et qui permettait aux travailleurs de bénéficier d’une partie des dividendes de la croissance, ce rôle-là s’est éteint ». Si ce diagnostic sonne juste, ce que propose le M1717 ressemble à s’y méprendre à une version moderne de ce « compromis », génératrice d’illusions quant aux possibilités d’obtenir un quelconque progrès social sans l’imposer, par la lutte, à une classe capitaliste déterminée et à l’offensive.
Si Hamon et son mouvement traduisent une partie de leurs principes en actes, ce que nous ne pouvons que souhaiter, nous nous retrouverons dans certaines luttes et nous frapperons ensemble. Mais pour la construction d’une réelle alternative politique, capable de proposer une véritable rupture avec le capitalisme, nul doute que nous marcherons séparément.
Julien Salingue