Démarrée le 11 juin par l’occupation du parking et des abords de l’agence d’Alfortville (94), la grève des travailleurs sans-papiers de Chronopost s’enracine. Mieux, elle se développe et connaît un écho grandissant.
Ni les provocations des vigiles, ni l’intervention violente des flics, ni même les conditions climatiques très difficiles (froid, pluie, puis chaleur caniculaire) n’ont eu raison de la détermination des grévistes et de leurs soutiens. Les dirigeants de Chronopost ont donc porté le fer sur le terrain judiciaire, afin d’obtenir l’évacuation du piquet… En pure perte, puisque cela s’est traduit par une nouvelle claque devant les tribunaux pour les patrons de La Poste.
Il est à noter que l’argumentaire de cette action en justice reposait essentiellement sur l’atteinte à l’image de l’entreprise. Ce n’est évidemment pas un hasard, puisque l’une des conséquences immédiates de cette grève est qu’elle brise l’invisibilisation dont sont victimes ces travailleurs et qui profite à leurs exploiteurs. Des exploiteurs qui sont d’ailleurs d’autant plus allergiques à la lumière qu’ils appartiennent à un groupe à capitaux 100 % publics, qui se trouve être le deuxième employeur après l’État et dont ce dernier est, par ailleurs, l’actionnaire principal.
Des fissures dans le pot de fer
Les Chronopost ont donc face à eux des adversaires de taille, mais ils ne manquent pas de détermination. Des rassemblements, à chaque fois plus massifs, ont eu lieu devant la direction de La Poste du Val-de-Marne et devant le siège national de Chronopost. Les soutiens, notamment politiques, sont aussi de plus en plus nombreux. Nos camarades Philippe Poutou et Olivier Besancenot sont venus sur le piquet (et ont été chaudement accueillis). Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière a pris la parole devant le siège de Chronopost, ainsi que, entre autres, le président du Conseil départemental du 94, Christian Favier, ou encore Éric Coquerel, député de La France insoumise. Luc Carvounas (député PS du 94) a interpellé Muriel Pénicaud sur le sujet à l’Assemblée.
La Poste, par la voix du DRH de Chronopost, persiste dans son attitude de déni. « Je ne suis pas leur employeur », a-t-il osé déclarer, en s’abritant derrière le système de sous-traitance en cascade que lui et ses complices ont eux-mêmes mis en place. C’est typique du sentiment d’impunité du pot de fer, qui se croit indestructible face au pot de terre. Mais le pot de fer pourrait fort bien se briser. Il se fissure déjà : La Poste a récemment été condamnée pour travail dissimulé dans l’affaire Seydou Bagaga (du nom du salarié d’un sous-traitant, qui s’était noyé dans la Seine en tentant de récupérer un colis, fin 2012). Le conseil des prud’hommes du Havre a également condamné La Poste pour le même motif (auquel s’ajoute le délit de marchandage et le prêt illicite de main-d’œuvre).
Des victoires juridiques qui sont autant d’encouragements pour la lutte, jusqu’à la régularisation des Chronopost, et leur embauche dans le groupe La Poste.
Édouard Gautier