Macron est en passe d’obtenir une des plus importantes majorités parlementaires de l’histoire de la cinquième République, et cela sans même compter les députés LR ou issus du PS qui soutiendront sa politique. Avec 33 % des suffrages exprimés, La République en marche et le Modem obtiendraient en effet 400 à 450 sièges à l’Assemblée nationale.
La gauche est laminée, avec moins de 30 % des voix. Les principaux leaders du PS et l’ancien candidat à la présidentielle sont éliminés dès le premier tour, récoltant ainsi les fruits de la politique antisociale du quinquennat de Hollande. La France insoumise paie le prix de sa volonté d’hégémonie et de ses querelles fratricides avec le PCF et aura du mal à constituer un groupe parlementaire. Le Front national recule en termes de voix par rapport aux législatives de 2012 mais son score progresse et il est en position d’envoyer plus de députés à l’Assemblée que sous la mandature précédente. Et l’extrême gauche, dont les candidatures présentées par le NPA dans une trentaine de circonscriptions, obtient des scores comparables au premier tour de l’élection présidentielle.
Un gouvernement majoritaire... mais illégitime
En donnant une majorité absolue à Macron, les institutions de la 5e République ont pleinement joué leur rôle. Mais elles sont gravement malades : plus de 51 % des électeurs inscrits ont choisi de ne pas aller voter. Un record pour un premier tour d’élection législative, qui traduit tout à la fois l’absence d’enthousiasme pour ce président élu par défaut, la décomposition du PS, les errements des Républicains, mais aussi la conscience que ces élections ne pouvaient pas changer grand-chose de la politique à venir.
Macron est fort des faiblesses de ses adversaires, mais sa politique n’a pas suscité une vague d’adhésion. Si l’on s’en tient aux seuls pourcentages, les scores du PS et de ses alliés en 2012, ou de l’UMP en 2007, étaient bien supérieurs. Mais surtout, avec les suffrages de seulement 15,4 % des inscrits, il n’a aucune légitimité pour gouverner par ordonnance et détruire le code du travail !
Qui veut frapper vite et fort !
La méthode annoncée des ordonnances ne vise pas à museler une éventuelle fronde parlementaire mais à éviter qu’un débat public sur leur contenu ne s’installe. On comprend pourquoi à la lecture des documents qui ont fuité dans la presse.
Dans les projets de Macron et de Philippe, la « négociation » d’entreprise – qui pourrait prendre la forme de référendums organisés par le patron – aurait tout pouvoir pour créer des motifs de licenciement ou revoir à la baisse les indemnités prévues par la loi, augmenter le nombre de CDD successifs possibles et leur durée ou encore fixer les règles de sécurité au travail ! S’y ajouteraient le plafonnement des indemnités accordées par les prud’hommes en cas de licenciement injustifié et la fusion obligatoires des différentes institutions représentatives du personnel qui réduira les moyens de défense des salariéEs. Il s’agit de pousser jusqu’au bout la logique introduite par la loi El Khomri – à chaque entreprise son droit du travail – pour diminuer durablement et significativement les possibilités de regroupement et de résistance des travailleurs.
Et dans les projets de Macron et Cie, tout cela ne constitue qu’une entrée en matière avant de fiscaliser la Sécu puis de s’attaquer aux retraites !
Les classes dirigeantes ont renouvelé leur personnel, mais leur politique demeure. Et le bulldozer ultralibéral s’accompagne toujours de mesures autoritaires et répressives : prolongation de l’état d’urgence avant son inscription dans la loi, interdictions de manifestations notifiées par dizaines le 8 mai dernier, etc. La ministre du Travail va même jusqu’à poursuivre pour recel les journalistes qui ont osé révéler le véritable contenu des futures ordonnances !
« Dialogue social » ou résistance ?
Le ton est donné du côté du gouvernement, mais on ne peut pas dire que les directions syndicales lui renvoient la pareille. À ce stade, toutes ont joué le jeu du « dialogue social » et participé aux multiples réunions bilatérales organisées par l’ancienne DRH de Danone, dont FO a même accueilli favorablement la nomination à la tête du ministère du Travail… Il n’y a pourtant rien à attendre de ces pseudo-négociations !
L’urgence est plutôt à l’organisation de la contre-offensive. Et heureusement des résistances se préparent dès la semaine du 19 juin : manifestations du Front social au lendemain du second tour, rassemblements appelés par plusieurs unions départementales ou régionales CGT, grèves au ministère du Travail et dans d’autres secteurs. Mais ce qui manque, c’est une journée interprofessionnelle et unitaire, construite par toutes les organisations, qui montre que le monde du travail ne se laissera pas faire et réagira avec toutes ses forces aux attaques du gouvernement.
L’opposition aux ordonnances peut devenir majoritaire, comme ce fut le cas lors de la loi travail. Il nous faut passer l’illégitimité du gouvernement et de ses méthodes à la légitimité de la contestation. C’est en tout cas avec ces objectifs que le NPA propose à toutes les organisations du mouvement social de se rencontrer pour organiser la riposte.
S. P.