Publié le Mercredi 10 septembre 2014 à 16h59.

Crise politique : jusqu’à quand, jusqu’où ?

Jusqu’où iront-ils ? Les récentes déclarations de Rebsamen sur les chômeurs ne sont pas un dérapage. Elles témoignent de la décision du gouvernement Hollande-Valls de casser ce qu'il reste d’acquis sociaux dans le pays...

Une fois encore, nous ne sommes pas en présence d’une énième politique d’austérité : il s’agit maintenant d’appliquer les politiques néolibérales s’inspirant directement de Blair ou de Schroeder. La crise économique est le moment propice et le vecteur pour baisser massivement le pouvoir d’achat, précariser la force de travail, démanteler la Sécurité sociale et les services publics, exploser les conventions collectives et le code du travail.

Parti majoritaire et pouvoir dans la tourmenteCes changements historiques des rapports socio-économiques sont à la source de la crise politique actuelle. C’est aussi la base de la crise du PS. La social-démocratie française s’est déjà « transmutée » depuis des années en parti social libéral, mais cela ne gomme pas des contradictions liées à l’histoire du parti. Il faut maintenant briser le cadre actuel du Parti socialiste et/ou le transformer en « parti de type démocrate à l’américaine », ce qui explique la brutalité des méthodes employées par le gouvernement et l’ampleur de la crise politique, d’autant que les choix du gouvernement sont minoritaires, dans le pays, dans la gauche... et dans le Parti socialiste. Jusqu’à quand le président et le gouvernement tiendront-ils ?Le gouvernement peut « discipliner » sa majorité parlementaire à coup d’article 49.3, en exigeant un vote de confiance à sa politique, on ne peut plus écarter l’hypothèse d’un gouvernement minoritaire à l’Assemblée nationale. À partir de là, deux possibilités : un nouveau gouvernement socialiste avec des personnalités type Aubry ou la dissolution de l’Assemblée nationale. La menace d’une dissolution peut contraindre les députés socialistes à s’aligner car de nouvelles élections consacreront sûrement une large victoire de la droite et de l’extrême droite et un processus de dislocation du Parti socialiste. Mais ces députés socialistes savent aussi que Hollande et Valls les entraînent dans l’abîme. Le spectre de l’effondrement ou d’une trajectoire à la Pasok grec guette maintenant le PS.

Au cœur, la question socialeDans ces conditions, des tournants brusques sont à prévoir. Lorsque les classes dominantes et les appareils traditionnels ne peuvent plus régler les problèmes brûlants de la situation par les méthodes parlementaires, alors c’est l’irruption des jeunes, des classes populaires, qui est à l’ordre du jour. Mais la dynamique de ces explosions n’est pas acquise : des manifestations réactionnaires ou racistes peuvent aussi occuper le devant de la scène. Il faut donc tout faire pour que la dynamique de la situation bascule dans une perspective « luttes de classes ».La question sociale reste au centre de la situation politique. Toute la politique économique et sociale du gouvernement doit être rejetée, mais pas pour être remplacée par un replâtrage ou un saupoudrage du Pacte de responsabilité et de solidarité avec le Medef. Il faut lui opposer un programme d’urgence, au service des travailleurs et  des classes populaires, qui parte des besoins sociaux. Un tel programme ne peut s’appliquer que par une confrontation avec les marchés financiers et l’Union européenne. Ces réponses sociales doivent aussi s’accompagner de revendications démocratiques radicales. Pour dénouer la crise politique actuelle, il faut redonner la parole au peuple, non pas pour remplacer telle combinaison par une autre dans le cadre des mêmes politiques d’austérité et des institutions actuelles.

Pour une « démocratie réelle »Il faut un grand chambardement institutionnel : un démantèlement des institutions de la Ve République, pour en finir avec l’élection d’un président de la République, et le mode actuel de scrutin majoritaire à deux tours, ouvrir un processus constituant qui mette au centre la « démocratie réelle » et la déprofessionnalisation de la politique : revenu équivalent au salaire moyen, rotation des mandats, etc. « La censure » ne doit pas être laissée aux diverses manœuvres parlementaires ou à la droite et l’extrême droite. Elle doit s’exprimer dans la rue. De nouvelles générations, comme celles apparues lors des grèves à la SNCF, montrent que les salariéEs, lorsque les conditions de la lutte sont réunies, résistent aux attaques gouvernementales et patronales.Comme lors de la manifestation du 12 avril, il faut maintenant redoubler dans cette voie unitaire et rassembler toutes celles et tous ceux qui veulent s’opposer, à gauche, à la politique du gouvernement, sur des objectifs et des revendications concrètes, comme le refus du budget Hollande-Valls. Tout pas en avant pour la mobilisation populaire doit être soutenu. Mais face au néolibéralisme de Valls, l’heure n’est pas à reconstruire une nouvelle mouture de l’union de la gauche avec Montebourg, Hamon et les « frondeurs » qui ont soutenu le Pacte de responsabilité et de solidarité avec le Medef, mais bien de construire une perspective anti-austérité qui ouvre la voie à une rupture anticapitaliste.

François Sabado