Publié le Jeudi 25 septembre 2014 à 08h00.

Derrière les annonces, l’injustice fiscale

À la surprise générale, Valls, au lendemain de son discours de politique générale, a annoncé la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Mais cette annonce accentue l’incompréhension d’un système injuste nullement remis en cause...

Pour retrouver un peu de popularité, Manuel Valls a donc annoncé sur l’antenne de France Inter, la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Une mesure, selon lui, nécessaire « pour redonner du pouvoir d’achat à nos compatriotes ». Il s’attendait sans doute à ce que cette annonce soit reçue avec enthousiasme, mais les réactions ont été plutôt froides, perçue surtout, y compris dans sa propre majorité, comme une annonce politique très improvisée.Cette première tranche de l’impôt sur le revenu de 5,5 % concerne la part fiscale des revenus compris entre 6 011 et 11 991 euros, et les ménages ne devraient donc plus être taxés sur la partie des revenus comprise dans cette première tranche. Le gouvernement veut réserver son nouvel allègement aux ménages ayant jusqu’à 26 764 euros de part fiscale.De nouveaux mécanismes vont donc être mis en place pour redéfinir les tranches fiscales. Ainsi, le gouvernement va par exemple abaisser le seuil d’entrée dans la tranche imposée à 14 %, de façon à éviter que trop de ménages échappent à l’impôt... Selon Bercy, cette nouvelle réforme devrait bénéficier directement à 3 millions de foyers fiscaux qui devraient sortir de l’impôt sur le revenu et 6 autres millions devraient voir une diminution de leur impôt.

Transfert de fonds...Pour justifier cette annonce, Manuel Valls a prétexté un « haut le cœur fiscal », surfant ainsi sur l’idée familière et populiste du soi-disant « trop d’impôt » et du « ras-le-bol fiscal », refrains repris régulièrement par la droite et le patronat. Pourtant les exemples de fraude fiscale ne cessent de se multiplier, y compris chez les éluEs...Sur le fond, cette annonce ne remet évidemment pas en cause les politiques fiscales antisociales mises en place par la droite et accentuées depuis l’arrivée de Hollande au pouvoir, celles où l’on préfère taxer les ménages plutôt que les entreprises : gel du barème, suppression de la demi-part veuvage, réduction du quotient familial, fiscalisation des heures supplémentaires… faisant ainsi entrer dans l’impôt des millions de foyers fiscaux alors qu’ils en étaient jusque-là exonérés. Ces mesures ont eu pour effet d’aggraver les difficultés du plus grand nombre, qui sont de plus en plus à demander aux centres des finances publiques des demandes gracieuses et des délais de paiement. Dans le même temps, les niches fiscales pour les plus riches perdurent, les impôts sur les entreprises baissent, et les cadeaux fiscaux au patronat augmentent. Bref, l’injustice fiscale totale...

Nouvelle usine à gazAu-delà de l’annonce politique, la suppression de la première tranche rend encore plus difficilement compréhensible le système fiscal. Chocs fiscaux après chocs fiscaux, il est devenu pour une grande majorité complètement illisible et opaque, mais surtout totalement injuste et dégressif.Supprimer la première tranche concentrerait encore plus l’impôt sur les 4 tranches imposables restantes, alors que par le passé, il y a eu jusqu’à 14 tranches d’imposition, assurant une plus grande progressivité. Le résultat de cette nouvelle mesure sera encore une fois celui de rendre l’impôt encore plus inefficace et toujours plus contesté. Au final, cela ne servira donc pas à restaurer de la progressivité.Mais cette annonce ne serait-elle pas surtout un nouveau moyen pour nous endormir, pour faire oublier la politique d’austérité du gouvernement ?

Pour une fiscalité anticapitalisteBien entendu, il faut redonner du « pouvoir d’achat » aux salariéEs mais pour cela, il faudrait en premier lieu augmenter le SMIC, les salaires, les pensions de retraite et les minimas sociaux, il faudrait en finir avec les exonérations de cotisations patronales et les cadeaux fiscaux aux entreprises.Les politiques fiscales des dernières décennies ont renforcé le côté obscur du système actuel, accentuant la dégressivité de l’impôt. La politique du gouvernement Hollande-Valls n’a rien changé à cela, bien au contraire.Une vraie politique anticapitaliste serait de privilégier les impôts directs et la progressivité de l’impôt ; de taxer réellement le capital mais aussi le patrimoine ; de rendre la fiscalité compréhensible par tous et toutes, ce qui est la condition même pour qu’elle puisse donner lieu à un véritable débat démocratique dans lequel les arbitrages politiques soient réellement maîtrisés par tous.

Sandra Demarcq