Publié le Mardi 20 avril 2021 à 09h12.

« Et revoilà le coup de l’union de la gauche » (par Philippe Poutou)

D’accord, le deuxième tour que les sondages nous prédisent pour la présidentielle de 2022, ça fait peur. Un duel l’extrémiste libéral Macron avec l’extrême-droite Lepeniste, c’est carrément catastrophique, surtout qu’on ne peut exclure ce coup-ci une victoire de la deuxième.

A côté ou en face, c’est vrai, la « gauche » est laminée, éclatée, discréditée. Alors bien sûr, quelque part c’est logique et légitime, on parle, on espère, on demande l’unité de la gauche. Mais on parle de quelle unité et de quelle gauche ? La situation est grave et très inquiétante mais on n’est pas obligés pour autant de faire n’importe quoi ?

Et ce week-end a bien été l’illustration d’un cirque ridicule, où les morceaux de la « gauche » se sont réunis pour discuter « union ».

Une gauche très large comprenant en grande partie des gens qui ne sont plus vraiment de gauche, ou plus de gauche du tout, depuis plus ou moins longtemps. Il y avait des anciens macroniens, des anciens du PS, des encore au PS, des bouts de PS sous différentes étiquettes, des EELV, même des EELV de droite, du PC qui collabore avec le PS dès qu’il peut, des Insoumis pas forcément à l’aise, et d’autres encore qui ont dû venir parce qu’ils ont vu de la lumière.

Bref, un truc qui ne nous fait pas rêver du tout. En plus c’est assez clair, et ça en devient ridicule d’opportunisme, tout ce beau monde ne fait que calculer la meilleure posture à avoir, ne réfléchit qu’à la photo de « famille », chacun-chacune ne pensant qu’à son nombril.

Mais surtout on nous parle d’une gauche à réunir sans trop en définir les contours et sans faire le bilan du passé même récent.

Que dire en effet des reniments, des trahisons de cette « gauche » qu’ils ou elles disent vouloir reconstruire ? Que dire des politiques antisociales, antidémocratiques, anti-écologiques qu’on mené ou supporté la plupart de ces gens qui s’aperçoivent qu’ils sont de gauche quand des élections approchent ?

La plupart de ceux qui osent aujourd’hui nous parler d’espoir dans une gauche font comme si cette gauche n’avait jamais été au pouvoir, font comme s’ils n’avaient pas été complices directs ou indirects de cette gauche qui a renié tant d’idéaux, qui a tant détruit, qui s’est tant ralliée aux plus riches contre les plus pauvres. Macron n’est-il pas un produit de cette gauche lamentable ? L’extrême-droite n’est-elle pas aussi le produit indirect des trahisons de la gauche depuis les années Mitterrand.

Cette gauche même rafistolée ne peut plus être crédible, elle ne doit plus nous faire espérer quoique ce soit. On a besoin d’unité, oui mais d’une unité dans les luttes, dans nos mobilisations de partout. On a besoin d’une « gauche » oui mais pas celles des défenseurs du système actuel, non, une gauche de combat, une gauche anticapitaliste. En fait on a besoin de prendre nos affaires en mains, de reconstruire le mouvement social, de retrouver confiance dans nos forces, de retisser des liens de solidarité entre les forces militantes associatives, syndicalistes, politiques, de divers collectifs...

L’espoir viendra de notre capacité à agir par en bas, dans la rue, sur les places, dans les Zad, dans les squats, sur tous les endroits de résistances collectives.

Comme le disaient si bien le Communards de 1871 « défiez-vous des parleurs, incapables de passer à l’action, ils sacrifieront tout à un discours, à une effet oratoire ou à un mot spirituel. Évitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère [ou une sœur] ». Cette description ressemble bien à cette gauche prête à nous tromper encore, à des représentant-es qui ne sont décidément pas de notre camp social, dont nous avons tout intérêt à nous méfier. A nous de faire de la politique directement, sans intermédiaire.