Le mois de février va condenser les offensives du pouvoir pour normaliser l’état d’urgence, renforcer les pouvoirs de l’exécutif et de la police : prolongation de l’état d’urgence, débat à l’Assemblée pour la constitutionnalisation d’un état permanent d’exception et nouveau projet de loi qui vise à « renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires, en dehors du cadre juridique temporaire mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence ». C’est donc maintenant que ça se joue.
Dès décembre une riposte a démarré, en ordre dispersé, donnant naissance à de multiples appels. Deux meetings ont eu lieu faisant salle comble à Paris et à Saint-Denis. Leur convergence a donné naissance à un collectif unitaire très large : Stop état d’urgence. De son côté, la LDH a rassemblé de nombreuses associations et syndicats, pour beaucoup aussi membres de ce premier collectif, lançant des recours et une pétition, interpellant les députés.
Un « appel des 333 » organise aussi à Paris un meeting le samedi 23 janvier à Paris1, en présence notamment de députés qui ont voté contre la prolongation de l’état d’urgence. Toujours dans la capitale, un banquet contre l’état d’urgence se tient dans la rue ce samedi 16 janvier, banquet appelé par les milieux zadistes qui pourrait être rejoint beaucoup plus largement. Enfin, le collectif Stop état d’urgence a intégré la mobilisation du 23 janvier à Calais en solidarité avec les migrants dans l’agenda des mobilisations contre l’état d’urgence.
Comment avancer ?
Il faut « que 100 fleurs s’épanouissent » et que se multiplient les initiatives : tribunes, meetings, interpellation des députés, vidéos, etc. Tout comme doivent se multiplier les arguments qui s’opposent au développement de l’État policier. Il n’en reste pas moins que les délais sont courts et que, pour renverser l’opinion et imposer une défaite à la coalition des forces de droite et d’extrême droite aux côtés du gouvernement, nous devons faire converger nos forces.
Nous ne pouvons donc que regretter que des cadres différents subsistent : le collectif de la LDH exclue les organisations politiques (même si les porte-parole du NPA ont pu signé l’appel), tandis que celui de « l’appel des 333 », hostile à toute mention de lutte contre l’islamophobie, exclut de son côtés de nombreuses associations issues de l’immigration et des quartiers.
Le NPA est pleinement partie prenante du collectif « Stop état d’urgence », qui est aussi le collectif le plus orienté vers la mobilisation populaire. Il n’en reste pas moins qu’il faut faire converger ces différents cadres vers des initiatives communes de mobilisations, notamment tour des 30 janvier et 6 février prochains. C’est sur cette base que doivent se multiplier les mobilisations locales.
Ouvrir à d’autres questions
D’autres thèmes font partie pour nous du même combat et doivent s’y articuler, même si vouloir les intégrer aux différentes plate-formes contre l’état d’urgence casserait l’unité. C’est ainsi que le NPA soutient les appels contre la guerre, en particulier le meeting qui se tiendra ce vendredi 15 janvier à Paris2. Les bombes qui explosent ici sont aussi les éclats de celles qui sont envoyées par nos gouvernements sur les populations civiles en Syrie et en Irak.
C’est aussi pourquoi le NPA se bat pour la liberté de circulation et d’installation aux côtés des migrantEs, l’état d’urgence étant l’extension, à l’intérieur du pays, du système des frontières.
Ne pas cacher la forêt...
L’état d’urgence est le nom actuel d’une politique raciste et sécuritaire mettant en place un État policier et limitant tous les acquis démocratiques. La revendication de levée immédiate de l’état d’urgence, contre sa prolongation et sa constitutionnalisation est donc cruciale. Mais le mouvement à construire ne peut s’y limiter car le développement de l’État policier passe aussi par des mesures législatives. L’arbre de l’état d’urgence ne doit pas cacher la forêt de l’État policier.
La déchéance de la nationalité illustre combien la logique de renforcement de l’État inscrite dans l’état d’urgence et ses avatars, et va de pair avec les politiques nationalistes et racistes.
Enfin, le combat contre les mesures que veut prendre le gouvernement passe aussi par la défense pratique des victimes concrètes de l’état d’urgence : musulmanEs, militantEs perquisitionnés et assignés, manifestantEs poursuivis, migrantEs envoyés en centres de rétention.
Nous avons un mouvement à construire et nous pouvons gagner. Mais pour, cela il faut que tout le monde aille sur le pont... et dans la rue, cet espace public que l’État cherche à nous interdire.
Denis Godard