La crise de l’Union européenne ne s’est pas uniquement traduite par le renforcement du vote populiste et d’extrême droite. Un vote contestant les politiques d’austérité et le fonctionnement des institutions, à gauche de la social-démocratie s’est globalement consolidé.
Ce scrutin débouche sur un nombre de députés européens passant au niveau européen de 35 à probablement 47, pour ne compter que ceux affiliés au groupe parlementaire GUE/NGL animé par les communistes. C’est évidemment bien insuffisant pour modifier le rapport de forces (moins de 7 % du total des députés), et avec de très fortes disparités : organisations et coalitions électorales inégales, certaines très modérées et liées aux sociaux-démocrates, d’autres clairement révolutionnaires, certaines internationalistes, d’autres plus souverainistes, certaines anticapitalistes larges, ou avec des caractéristiques mouvementistes, d’autres bureaucratiques ou sectaires... L’élément marquant est le rôle dans ces résultats des grandes luttes récentes en Europe du sud, en réponse aux attaques sociales sauvages menées contre les populations en Grèce, en Espagne et au Portugal. Ainsi en Grèce, Syriza arrive en tête de toutes les coalitions et obtient plus de 26 % et 6 députés, le KKE 6 % et 2 députés, et Antarsya 0,7 %, soit au total un tiers de l’électorat. Dans l’État espagnol, la coalition autour d’Izquierda Unida obtient 10 % des voix et 6 députés, le Mouvement « Podemos » (avec en son sein les révolutionnaires d’Izquierda Anticapitalista) 8 % et 5 députés, et les deux coalitions autour des nationalistes de gauche, catalans, basques et galiciens, obtiennent au total 6 % et 3 députés. Au Portugal, le PCP obtient 12,7 % des voix (3 députés) pendant que le Bloc de gauche recueille 4,6 % (1 député). On peut aussi citer Chypre, où le parti AKEL qui a déçu au gouvernement, de nouveau dans l’opposition, atteint 27 % des voix (2 députés). Ces quatre pays où règne le scrutin proportionnel ont élu plus de la moitié des députés à gauche de la social-démocratie.
Tracer des perspectives communesAilleurs, les résultats sont beaucoup plus mitigés, voire franchement décevants. Les grandes formations appuyées sur les appareils des ex-PC stagnent, comme Die Linke en Allemagne (7,4 % et 4 députés) et le Front de gauche en France (6,3 % et 3 députés + 1 apparenté) qui perdent chacun un député. En Italie, la coalition « L’autre Europe-Avec Tsipras » recueille 4 % là où celle autour du PRC avait obtenu 3,4 % en 2009. Dans ces pays, les listes plus à gauche, anticapitalistes et révolutionnaires obtiennent des résultats très faibles, comme en France où LO obtient 1 % (en légère baisse), et le NPA qui n’était pas présent dans toutes les circonscriptions, seulement 0,3 % à comparer aux 4,9 % de 2009. Dans ce contexte, on se félicitera de la percée de la coalition PTB-GO et PDVA+ en Belgique, surtout dans la partie Wallonne où le PTB-GO a recueilli 5,5 % des voix. Aux Pays-Bas, le Socialistische Partij passe de 7 à 9,6 % avec toujours 2 députés. Au Danemark et en Suède les formations de la Gauche Verte nordique gardent leur député en augmentant légèrement leur score (respectivement 2,3 et 6,3 % des voix), pendant qu’en Finlande, Vasemmistoliitto retrouve un député en obtenant 9,3 %. Enfin en Europe orientale, seul le Parti Communiste tchèque tire son épingle du jeu avec 11 % des voix et trois députés... Mais peut-on vraiment le considérer un tant soit peu comme de la gauche radicale ? Ce panorama souligne le problème de perspective posé par l’hétérogénéité et le manque de dynamique européenne. La où les droites extrêmes et populistes présentent des solutions de protection des populations en colère, basées sur le repli national et le rejet de l’autre, la gauche radicale doit opposer des perspectives communes clairement anticapitalistes qui impliquent la mobilisation des échelons locaux, sectoriels, nationaux et internationaux. Cette mobilisation et cette solidarité internationale constituent un chantier essentiel pour nous.
Christian Varin