Plus de quatre mois après le premier week-end de mobilisation, le mouvement des Gilets jaunes continue d’être un fait politique et social majeur. Contrairement à ce que Macron et les siens espéraient lors du lancement du « Grand débat », la contestation n’a pas cessé et, selon les dernières enquêtes d’opinion, les Gilets jaunes continuent d’être soutenus majoritairement dans la population, avec des niveaux de soutien très élevés dans les classes populaires. Les campagnes de dénigrement et la focalisation politico-médiatique sur les « violences » n’ont pas suffi : les mots d’ordre pour plus de démocratie, pour plus de justice sociale et fiscale, pour l’augmentation des salaires et des revenus, etc., recueillent l’adhésion de la majorité de la population, ce qui confirme le caractère minoritaire du pouvoir et de ses politiques.
Une situation de crise durable
Le « Grand débat » et la propagande gouvernementale auront essentiellement servi à ressouder une partie de la base électorale de Macron et à lui faire gagner des soutiens sur sa droite, comme l’indiquent l’ensemble des enquêtes d’opinion, mais pas à étouffer le mouvement. Et si les chiffres de la répression, qu’elle soit policière ou judiciaire, sont sans précédent, la violence n’a toutefois pas davantage permis d’éteindre la contestation. En effet, et ce bien qu’il ne fasse guère de doute que la politique du tout-répressif, avec en premier lieu les violences policières, a dissuadé – et continue de dissuader – nombre de personnes de participer aux rassemblements et manifestations, ce sont chaque samedi des dizaines de milliers de Gilets jaunes qui continuent de défiler. Et l’on constate même, depuis quelques semaines, malgré la stratégie désastreuse des directions syndicales, un frémissement – et même parfois davantage – dans un certain nombre de secteurs, au premier rang desquels l’éducation, qui participe du maintien, voire du développement, d’un climat de contestation durable.
La mobilisation des Gilets jaunes demeure ainsi, quatre mois après le 17 novembre, un point de cristallisation des contradictions sociales et politiques de la présidence Macron, et un facteur de déstabilisation majeur. Sous le double impact du mouvement des Gilets jaunes et des répliques de l’affaire Benalla, qui mine le pouvoir depuis l’été dernier, la Macronie demeure en effet dans une situation de crise, qui se traduit non seulement par la recherche permanente d’artifices communicationnels et de fusibles à faire sauter, mais aussi par des départs en série dans l’entourage direct de Macron. Malgré quelques ralliements opportunistes à l’occasion des élections européennes, l’Élysée peine à renouveler ses équipes, ce dont témoigne le dernier « mini-remaniement ».
Macron en campagne
Mais, malgré cette érosion de sa légitimité et cette instabilité maintenue, le gouvernement n’entend pas toutefois renoncer à ses contre-réformes, même s’il a dû en partie lever le pied en décembre-janvier et concéder de vrais-faux reculs (sur la CSG et la prime d’activité). Loi sur l’école, loi santé, privatisations, assurance chômage, CAP 2022, etc. : le rouleau compresseur est toujours là, et les projets à venir (sur les retraites et la Sécu notamment) annoncent toujours plus de reculs sociaux. Et nul doute que ce n’est pas à propos de ces politiques que la population sera consultée lors d’une éventuel référendum, qui ne portera pas sur des questions qui sont le cœur du projet et de la politique de Macron.
C’est dans ce contexte global que Macron et les siens sont partis en campagne, avec le lancement de la liste « Renaissance » (sic), à la tête de laquelle se trouve l’ex-ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau, mais dont le leader quasi-officiel est Emmanuel Macron lui-même, qui avait lancé les hostilités avec une tribune publiée il y a quelques semaines dans la presse européenne, se posant en sauveur de l’UE et en bon premier de sa classe. Le programme de LREM pour les élections n’a pas encore été rendu public, mais il est déjà connu, puisque Macron et les siens répètent qu’ils n’entendent pas changer de cap : mesures au service des riches, destruction des acquis sociaux et des mécanismes de solidarité collective, mépris – en paroles et en actes – pour les classes populaires, défense de l’Europe de l’austérité et de la chasse aux migrantEs.
Jouer les trouble-fête
Le choix du pouvoir est clair : il s’agit de « ramasser » en une seule séquence la campagne des européennes, les rendus du « Grand débat » et la poursuite de l’épreuve de force face au mouvement des Gilets jaunes et aux autres mobilisations sociales, ce qui va donner une coloration particulière à la campagne. Dans le contexte politique et social actuel, impossible pour Macron de mener une campagne électorale « normale », et nul doute que les Gilets jaunes et tous les secteurs mobilisés contre les politiques de régression sociale entendent bien jouer les trouble-fête durant les semaines qui viennent. Le NPA sera bien évidemment de la partie, en menant une campagne politique militante, qui se fera en lien avec les luttes en cours, et en soutien à ces dernières, seules à même de modifier radicalement le rapport de forces face au gouvernement Macron, pour en finir avec sa politique au service des riches et des grands groupes capitalistes.