Publié le Dimanche 30 mai 2021 à 21h14.

Fédérons-nous pour monter « à l’assaut du ciel » !

Au moment où nous fêtons les 150 ans de la Commune de Paris et ses aspirations démocratiques et sociales, le pouvoir en France s’enfonce dans sa dérive autoritaire. Plus que jamais, l’exercice du pouvoir s’incarne dans une minorité qui impose sa volonté à la majorité. Les intérêts financiers continuent de guider les choix de ce gouvernement dans un contexte de crise sanitaire, sociale, écologique et politique sans précédent, où les offensives réactionnaires se multiplient à quelques semaines des élections régionales et départementales.

Depuis plus d’un an, la crise sanitaire accélère la crise sociale avec la multiplication des licenciements et des suppressions d’emplois, l’explosion de la précarité et de la pauvreté mais aussi la crise démocratique avec des politiques autoritaires et liberticides. Ce gouvernement s’entête également à ne pas répondre à la crise écologique et sa loi « Climat et résilience » vidée de tout contenu en est une nouvelle fois l’illustration. Force est de constater, sans grande surprise et malgré les belles paroles, que depuis un an aucun changement de cap significatif n’a été mis en place. En effet, le gouvernement poursuit la mise en œuvre de ses politiques antisociales et destructrices de la protection sociale et des services publics, en persistant dans sa réforme de l’assurance chômage dramatique pour les chômeurs et chômeuses, devenue réforme emblématique du quinquennat depuis que celle sur les retraites a été reportée (mais qui est loin d’être abandonnée).

Dans le même temps, ce gouvernement laisse faire un patronat et des intérêts financiers qui n’ont jamais autant versé de dividendes à leurs actionnaires et qui licencient leurs salariéEs pour de simples motifs spéculatifs. Alors que tous les économistes s’attendent à une vague sans précédent de dépôts de bilan au cours des prochains mois et que le chômage va exploser, les groupes du CAC 40 vont verser plus de 51 milliards de dividendes à leurs actionnaires alors qu’ils continuent de percevoir des aides publiques massives (chômage partiel, plans d’urgence, plan de relance…) sans aucune condition ni contrepartie en termes d’emplois, ou en matière fiscale ou environnementale. Les Bettencourt, Bolloré, Arnault, Pinault, Blackrock, Amundi et consorts vont une nouvelle fois être les grands gagnants de la crise tandis que les premierEs de corvées, les étudiantEs, les précaires s’enfoncent dans la pauvreté.

Concernant la crise sanitaire, ce gouvernement continue de naviguer à vue, sans autre politique que celle de continuer à faire croitre les profits. Et la gestion de la vaccination en est un nouvel exemple. Alors que désormais, le gouvernement fait de la vaccination l’alpha et l’oméga de sa gestion de la pandémie, les vaccins continuent à être fournis au compte-goutte par les trusts qui les fabriquent et les vendent à prix d’or  et ne sont toujours pas considérés comme « bien commun de l’humanité ». Pour cela il faut évidemment la levée des brevets mais aussi le transfert des technologies et la réquisition de l’industrie pharmaceutique sous contrôle social.

Autoritarisme, sécuritaire, répressions, islamophobie… Macron fait le lit du RN

La politique sécuritaire, répressive, liberticide, autoritaire de ce gouvernement n’est pas nouvelle, c’est même une de ses marques de fabrique depuis son arrivée au pouvoir. Macron accentue ces politiques qui étaient déjà l’apanage de ses prédécesseurs de gauche comme de droite et renforce de nombreuses lois sécuritaires qui existent depuis plusieurs décennies. Cette politique sécuritaire, liberticide vise évidemment à bâillonner la contestation sociale en la criminalisant. C’est ainsi que Darmanin le ministre de l’Intérieur, sous prétexte de « désordre à l’ordre public », interdit les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien à Paris, Strasbourg et Nice...

La crise sanitaire a été un fabuleux prétexte pour que le gouvernement mette la démocratie sous verrou via des lois liberticides de plus en plus nombreuses : état d’urgence, couvre-feu, attestations de sortie, limitation du droit à déplacement et à l’accès aux lieux publics, interdiction de manifestations, réglementation sur les rassemblements de personnes, confinements total, partiel... instaurant ainsi depuis plus d’un an un régime d’exception. Mais ce n’est pas tout : il fait voter une loi Sécurité globale qui assimile les manifestantEs à des terroristes, qui entend se donner les moyens « légaux » de contrôler, de dissuader voire d’empêcher toute expression d’une opposition populaire. Dans cette dérive autoritaire, antisociale et démagogique, une nouvelle loi « antiterrorisme et renseignement » se prépare, venant renforcer un arsenal sécuritaire déjà bien fourni. Des mesures dites exceptionnelles qui s'intègrent progressivement dans le droit commun, dans la logique de l’état d'urgence permanent. N’oublions pas non plus dans cette période, la répression et les violences policières, seules réponses politiques de ce gouvernement à la contestation sociale. Le 1er mai dernier en a encore été un exemple où une nouvelle fois, la police a gazé à plusieurs reprises le cortège syndical à Paris.

Macron ne semble pas vouloir faire le bilan social, sanitaire de la pandémie. Et pour qu’on évite de parler de sa gestion catastrophique, il a trouvé un sujet de diversion qui fait toujours recette : la « lutte contre le séparatisme » qui en fait ne s’adresse qu’aux seulEs musulmanEs. Et sans grande surprise, la surenchère entre les membres du gouvernement, la droite et l’extrême droite, relayé par tous les médias réactionnaires, a fait rage. Mais de peur que la diversion ne prenne pas assez, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, lance une enquête sur « l’islamo-gauchisme » qui gangrènerait les universités… Il n’en fallait pas plus pour relancer la machine des caricatures, de la stigmatisation et des accusations portées contre des organisations et personnalités. Et sur divers sujets, il est de plus en plus difficile de faire la distinction entre les propos de LREM, Les Républicains et du RN...

L’extrême droite se sent pousser des ailes

Macron et la Macronie sont d’ores et déjà en campagne pour 2022. Et comme Sarkozy en 2012, il a choisi de reprendre à son compte les thématiques et les discours portés jusque-là essentiellement par la droite extrême et l’extrême droite, prétendant ainsi être le meilleur rempart à l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen. C’est dans ce sens que Darmanin va jusqu’à dénoncer la « mollesse » de la responsable du RN. C’est dans ce contexte que l’Action française pénètre en force dans le Conseil régional d’Occitanie pour y dénoncer les « islamo-gauchistes » qui y siègent. C’est dans ce contexte que des fachos attaquent une librairie à Lyon. C’est dans ce contexte que des militants d’extrême droite lors de la manifestation pour le changement climatique du 9 mai attaquent des militantEs du NPA.

Et c’est évidemment dans ce contexte que sont publiés à quelques semaines d’intervalle deux tribunes de militaires où sont exacerbés un pouvoir autoritaire et une violence extrême tournée contre une partie de la population, stigmatisée. Mais aussi des appels de policiers qui en disent beaucoup sur le moment politique que nous sommes en train de vivre. Mais ne nous y trompons pas, si des militaires osent publier de telles tribunes, si l’Action française entre dans un conseil régional ou encore que des fachos attaquent des militantEs, c’est parce que le gouvernement a instillé depuis des mois un climat réactionnaire pour faire face à la crise sociale qui s’est accentuée avec la pandémie. Aujourd’hui, le seul bénéficiaire de cette stratégie est bel et bien le RN. Et désormais soutenir les thèses du RN, rejoindre publiquement ses listes pour les élections régionales n’est plus un problème, un tabou pour un certain nombre : comme c’est le cas de journalistes, de pseudo syndicalistes ou encore de millionnaires.

Les régionales : un enjeu pour… la présidentielle !

Alors que dans quelques semaines se dérouleront le premier et second tour des élections régionales et départementales, force est de constater que ces élections ne passionnent pas grand monde en particulier le monde du travail qui considère que ces élections ne changeront rien à leur quotidien de plus en plus difficile. Mais pour certains, ces élections sont d’importance… à un an de la présidentielle.

En effet, beaucoup d’éluEs à la sortie de ce scrutin pourraient prétendre plus facilement à l’investiture pour 2022 comme Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou encore Laurent Wauquiez des Républicains. Pour LREM, l’enjeu est autre : après son échec aux municipales de 2020, une nouvelle claque à quelques mois de la présidentielle affaiblirait Macron. Mais pour lui, c’est aussi déjà un test grandeur nature de la présidentielle, en particulier dans les Hauts-de-France où Marine Le Pen, même si elle n’est pas candidate, est fortement mobilisée. C’est sans doute pour cela que Macron y a parachuté son Garde des Sceaux.

Pour le RN, gagner des régions comme les Hauts-de-France et/ou PACA à un an de la présidentielle, prouverait à une très large échelle sa crédibilité et lui permettrait de se remettre de son échec aux dernières municipales.

Pour la gauche institutionnelle, les régionales marqueront aussi le coup d’envoi de la présidentielle et le PS tout comme les Verts espèrent confirmer leurs résultats des municipales. Pour ces élections, leur stratégie d’alliance est à géométrie variable. Seule certitude, EELV fera dans l’ensemble des régions bande à part, espérant ainsi avoir le leadership pour l’élection d’après. Car ce qui obsède actuellement la gauche institutionnelle, c’est évidemment la présidentielle. Avec un gros problème pour elle : comment être au deuxième tour alors que tous les sondages donnent Macron et Le Pen en tête. On voit donc s'engager dans une bataille pour l’hégémonie entre les différentes forces de gauche. La bataille fait rage, aucune composante ne voulant lâcher. Le PCF s’est lancé dans une candidature identitaire renouant avec les discours traditionnels qui mélangent mesures sociales, recours à l’État, nationalisme, discours sécuritaire. Mélenchon rejette l’idée d’une unité de la gauche et se veut candidat du peuple. Les Verts veulent rassembler autour d’eux, le PS semble prêt à une telle alliance mais le très faible résultat de la candidature de Hamon en 2017 n’est pas une garantie pour eux.

Il y a deux grands oublis dans cette discussion : un, sur quel programme ? Quel bilan ? Mystère ! Pas grave, l’unité semble, pour eux, suffire. Mélenchon nous parle de 1981 comme d’une « révolution suspendue », « pourquoi pas jusqu’en 2022 » dont les trahisons, le tournant de la rigueur de 1983 auraient été causées par l’Europe et de l’Allemagne1. Dans le climat actuel, il ne peut rien sortir d’une recherche d’unité sur une base réduite, sans contenu, sans en appeler à la nécessité d’un affrontement avec l’État et la classe dominante. Et c’est le deuxième grand oubli : cette gauche-là ne veut surtout pas de cet affrontement ! Cette gauche même rafistolée ne peut plus être crédible, elle ne nous fait plus espérer quoi que ce soit. Oui, nous avons besoin d’unité, mais d’une unité dans les luttes, dans nos mobilisations. Oui nous avons besoin d’une « gauche » mais pas celle des défenseurs du système actuel, pas celle qui se renie, pas celle qui se fourvoie !

Imposer une rupture anticapitaliste sans attendre 2022 !

Dans ce contexte nauséabond, de crise sanitaire, de crise sociale et économique, les difficultés des ripostes du monde du travail, des jeunes, des plus précaires, des quartiers populaires sont réelles. Mais la contestation sociale n’est pas inexistante. En effet, que ce soit contre les licenciements, pour l’emploi, pour les services publics, le climat, la PMA, les droits des femmes, contre les violences policières, le racisme d’État, la Palestine… les mobilisations existent. Elles sont certes encore faibles et dispersées mais elles existent. Et pour notre part, sans attendre 2022, nous pensons que c’est à nous de prendre nos affaires en mains, sans attendre le « sauveur suprême ». L’espoir viendra de notre capacité à agir par en bas, dans la rue, sur les lieux de travail… à fédérer nos colères, nos solidarités, nos forces militantes qu’elles soient associatives, syndicalistes ou politiques, et comme en 1871 monter à « l’assaut du ciel ».

Il y a urgence : à ne rien céder face à la déferlante en cours, à construire les nécessaires digues avec toutes celles et tous ceux qui ne se résignent pas face à la perspective du pire, à faire vivre les solidarités et la perspective d’un autre monde face au désastre en cours. Il n’y a pas de fatalité à la montée de l’extrême droite et de pouvoirs autoritaires, pas de fatalité non plus à la crise économique et écologique. À condition que le monde du travail relève la tête, prenne conscience de sa force, s’organise pour lutter, se coordonne, se fixe des objectifs politiques. Nous voulons y prendre notre part, en défendant et en nous battant pour des mesures radicales d’urgence sociale, écologique et démocratique. En étant présentEs à la prochaine élection présidentielle, en continuité avec les campagnes menées par Olivier Besancenot et Philippe Poutou, afin de proposer une voix à toutes ces colères, dans une démarche qui combine la nécessité d’une riposte unitaire, de luttes de masses et un programme de rupture avec le capitalisme.