La situation actuelle, plus particulièrement la façon dont la « crise grecque » est médiatiquement et politiquement traitée, est plutôt favorable à l’extrême droite française...
À longueur de journée, des commentateurs bourgeois assimilent le FN à Syriza. Après les propos insupportables de Macron, le titre encore plus insupportable du magazine de droite le Point du 9 juillet : une Une ornée de la photo d’Alexis Tspiras et d’un titre clamant : « Tsipras, Iglesias, Mélenchon, Le Pen – Les charlatans contre l’Europe. » À l’évidence, présenter le FN comme un parti contestataire, et suggérer en même temps que la recherche d’une alternative conduit au FN, ne peut que le rendre sympathique aux yeux de beaucoup.
Le FN effectue beaucoup de zig-zagues dans ses déclarations officielles à propos de la Grèce. Fin janvier, Marine Le Pen avait ainsi prétendu se réjouir de la victoire électorale de Syriza... mais début février, un communiqué du FN s’était violemment opposé à la demande grecque de remise en cause de la dette, demande présentée comme « irresponsable ». Deux positions en contradiction ouverte.
Aujourd’hui, les zig-zagues continuent. Une partie des dirigeants du FN, notamment Florian Philippot, ont réagi avec triomphalisme au référendum grec : « le début de la fin de la zone euro ».
Mais ces déclarations grandiloquentes ne visent jamais à soutenir le contenu social du discours de Syriza, uniquement le supposé projet de rupture avec l’euro, voire avec l’Union européenne, déplaçant ainsi tout le débat sur la « question nationale ».
Or, à l’intérieur du FN, on appuie sur la pédale de frein : pas question pour certains d’apparaître comme des irresponsables qui prennent le risque de déclencher une crise monétaire en minant la confiance dans l’euro. Le petit patronat, dont une partie est aujourd’hui proche du FN, notamment autour de Marion Maréchal-Le Pen, mais aussi les retraitéEs, exigent la prudence : pas question de voir leurs économies dévalorisées !
En sortir ou pas ?
Ainsi Marine Le Pen a pris position après le référendum, en considérant que la Grèce ne devait pas quitter l’euro dans l’immédiat. Une solution que le FN a pourtant toujours mise en avant (tout en précisant qu’il préférerait une « dissolution concertée » de la zone euro), mais qui pourrait affecter des banques françaises : étant parmi les gros créanciers de la Grèce, celles-ci souhaitent éviter le risque d’un défaut de paiement.
Du coup, même le très enthousiaste Florian Philippot déclare maintenant : « Le scénario qu’il faut éviter, c’est que les Grecs soient jetés en dehors de l’euro », cela avant de cependant dénoncer l’accord de Bruxelles du 13 juillet (« euro-kiri »...).
Carl Lang, le président du groupuscule fasciste Parti de France, une scission à droite du FN, tente d’utiliser la situation pour accroître la pression sur le FN. Dans une vidéo du 19 juillet, il reproche à Florian Philippot et Marine Le Pen de s’être « alignés sur un discours d’extrême gauche », celui de Tspiras, et d’agir en « irresponsables ». Lang, qui tente de s’adresser aux militants les plus durs du FN, ceux qui refusent la « dédiabolisation », souligne qu’il est « opposé par principe » à la monnaie unique... mais qu’il considère aussi qu’une sortie française de l’euro aurait aujourd’hui des « effets néfastes »...
Bertold du Ryon