Il n’y a donc pas que la stratégie électorale, en particulier dans le rapport au PS, qui divise au sein du Front de gauche. L’accord signé entre le gouvernement Tsipras et l’Union européenne en est une nouvelle illustration.
Le 19 juin, une tribune avait été publiée dans Libération demandant à Hollande de prendre « une initiative politique de nature à débloquer les négociations entre l’Eurogroupe et les autorités grecques » ainsi que de « refuser de participer à la stratégie d’isolement de la Grèce ». Quelques jours plus tard, le lundi 22 juin, à quelques heures d’un énième sommet de la zone euro consacré à la Grèce, une délégation des signataires avait été reçue par Hollande lui-même. Conduite par Pierre Laurent et constituée entre autre de Clémentine Autain, Éric Coquerel, Pierre Larrouturou, Gus Massiah et Julien Bayou, cette délégation semblait confiante quant au rôle positif de Hollande pour garder la Grèce dans l’eurozone... Mais à quel prix pour les Grecs ? Quelques jours plus tard, au vu du résultat des négociations, la plupart des membres de cette délégation ont été refroidis…Visiblement pas tous !
Une semaine après la victoire populaire et de classe du Non Grec, le moins que l’on puisse dire est que les réactions au sein du Front de gauche n’ont pas été homogènes concernant les négociations, puis l’accord conclu. Dès le dimanche 12 juillet au soir, le Parti de gauche a dénoncé un « coup d’État orchestré par madame Merkel avec la complicité de monsieur Hollande », sans pour autant déjuger Tsipras : « Notre solidarité avec Tsipras est acquise. Elle n’est pas en jeu », assurait Mélenchon, préférant comme à son habitude taper sur l’Allemagne et épargnant au passage Hollande.
Le lendemain, l’enthousiaste Pierre Laurent soutenait l’accord entre Bruxelles et Tsipras et félicitait Hollande... « Ce qui vient d’être obtenu l’a été grâce au courage d’Alexis Tsipras, de son peuple et de l’engagement de la France. » André Chassaigne, président des députés Front de gauche à l’Assemblée nationale, dénonçait un « mauvais accord »... mais proposait à son groupe de voter pour « dans la mesure où Alexis Tsipras vote cet accord », contre la position de Marie-George Buffet, opposée à une « politique d’austérité appliquée de manière autoritaire aux peuples d’Europe ».
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ?
Après quelques pirouettes, Pierre Laurent a finalement rétro-pédalé, et mercredi 15 juillet a dénoncé « le contenu d’un accord qui a été conçu par les dirigeants allemands en tout point pour humilier le peuple grec ». Seulement « allemands » ? À l’unisson, quelques heures avant le vote, les députés Front de gauche se sont mis d’accord pour voter contre. André Chassaigne s’est justifié : son « premier réflexe, en apprenant qu’il y avait accord, que la Grèce n’allait pas être éjectée de l’euro et que l’asphyxie financière semblait évitée, était de marquer ma solidarité avec Alexis Tsipras, qui a eu un immense courage, beaucoup d’intelligence et de détermination ». Il explique avoir ensuite « découvert le contenu du texte, le pire jamais vu ». Et au final, le jour du vote à l’Assemblée, il n’a pas eu de mots assez durs contre un accord de « soumission, d’humiliation et de libéralisation »...
Derrière ces désaccords autour de l’accord s’invitent aussi ceux sur la question de l’euro. Contrairement au Parti de gauche, le PCF ne s’inscrit pas dans une sortie de l’euro en cas d’échec dans l’établissement d’un rapport de forces au sein de la zone euro. Un désaccord stratégique qui d’ailleurs ne questionne pas seulement le Front de gauche mais l’ensemble des forces qui luttent pour une alternative à l’austérité. Comment articuler lutte sociale et politique au plan national et au plan européen ? Quelle attitude face à l’euro et à l’Union européenne ? Quelle alternative politique ? Loin des gesticulations et valses-hésitations, un débat qui nous concerne aussi.
Sandra Demarcq