Pour la première fois depuis des mois, la candidate du FN semble en difficulté : sa marche triomphale vers l’Élysée n’est plus si sûre... Pour que son père se résigne à appeler à voter pour elle à une semaine du premier tour, c’est bien que l’heure est grave !
Intentions de vote qui stagnent, chiffres de participation aux derniers meeting peu glorieux, annonce officielle de la demande de la levée de l’immunité parlementaire européenne de Marine Le Pen alors qu’un de ses anciens bras droits, Chauperade, appelle à voter Fillon en déballant publiquement le linge sale des affaires financières du FN... Tout se conjugue pour qu’une certaine fébrilité gagne les états-majors frontistes à l’idée que Le Pen ne soit pas en tête du premier tour, voire qu’elle ne se qualifie pas pour le second. C’est pourquoi les querelles entre les clans frontistes redoublent d’intensité...
Pour Marion Maréchal-Le Pen, c’est évidemment la tête de Florian Philippot, le stratège de la dédiabolisation du FN et de son affichage « social », qui sera exigée en cas de déconfiture. Marine Le Pen elle-même, sans doute pour rasséréner les franges les plus « traditionalistes » de l’extrême droite, a enfoncé un coin dans la stratégie tant peaufinée de la dédiabolisation en déclarant le 9 avril que « la France n’était pas responsable de la rafle du Vél d’Hiv » de 1942... Cela faisait longtemps que la fille n’avait pas flirté aussi ouvertement avec les propos antisémites et négationnistes du père. Ces propos n’ont rien d’improvisé et relèvent d’un choix effectué par Le Pen pour essayer de revenir sur un des terrains favoris de l’extrême droite, au moment où celui de la posture de la candidate « anti-système » a pris un sérieux coup dans l’aile.
Poutou : 1, Le Pen : 0
La gifle verbale assénée par Philippe Poutou à Marine Le Pen lors du « Grand Débat » du 4 avril, lorsqu’il a réussi à la faire taire avec sa formule de « l’immunité ouvrière », a sans aucun doute servi de révélateur à un sentiment latent dans la conscience populaire, qui a peut-être mis du temps à s’exprimer mais qui a fait son chemin néanmoins : Le Pen, fille de milliardaire, échappe aux règles communes, comme la plupart des riches et des puissants ! Et toute « candidate anti-système » qu’elle prétende être, elle a visiblement utilisé tous les rouages du système institutionnel européen pour remplir les caisses de son parti grâce à des emplois fictifs...
Une partie de l’imposture Le Pen se dévoile : elle n’est pas la candidate du peuple. Elle reste plus que jamais une candidate au service de l’ordre établi, une candidate raciste et hostile à toute forme de progrès social, Elle est considérablement dangereuse et, même affaiblie, ses idées polluent tout le champ politique. Son « trou d’air » actuel ne doit pas nous faire oublier qu’elle représente près d’un quart de l’électorat et que, même sans accéder à l’Élysée en 2017, son programme, ses idées et tous les préjugés qu’elle véhicule déteignent largement sur l’ensemble des politiciens bourgeois.
Le succès relatif des manifestations contre les meetings de Le Pen dans plusieurs villes (Nantes, Bordeaux, Perpignan, Paris...) montrent une vraie disponibilité pour les mobilisations contre l’extrême droite. Celles-ci devront s’amplifier dans les semaines qui viennent mais, plus fondamentalement, c’est en reprenant l’offensive sur le terrain de la lutte des classes que le mouvement ouvrier dans toutes ses composantes pourra vraiment damner le pion à Le Pen !
Marie-Hélène Duverger