La note d’octobre des préfets, supposée confidentielle, a atterri sur un ordinateur du Figaro qui l’a rendue publique. Elle dessine une « société en proie à la crispation, l’exaspération, la colère ». Ce « sentiment d’accablement », c’est aussi la chute libre de Hollande-Ayrault dans les sondages, un record dans l’histoire de la Ve République : 15 % d’opinions favorables.
La défiance est générale et on voit mal comment l’exécutif pourrait reprendre la main. Remaniement, changement de Premier ministre, dissolution, avant, après les municipales... Quoi que décide ou non Hollande, ce sera perçu comme un désaveu de sa propre politique et du gouvernement, l’expression d’une faiblesse, un recul qui ne changera rien.La logique à l’œuvre obéit à des ressorts profonds qu’aucune manœuvre ne pourra enrayer. Le pouvoir est bien incapable de changer de politique. Au contraire, il s’enferre dans sa soumission aux intérêts des patrons et des banques dont les travailleurs et la population paient le prix. La croissance devait revenir... mais le PIB a reculé de 0,1 % au troisième trimestre. La courbe du chômage loin de s’inverser continue de se dégrader. Les impôts frappent les classes populaires de façon particulièrement injuste, en particulier par le jeu du gel du barème de l’impôt sur le revenu. La réforme scolaire concentre tous les ressentiments, mais Ayrault n’en a cure : elle « devait être faite et serait faite »... « Dans la tempête, les Français jugent leurs dirigeants à leur capacité à tenir le cap, à faire preuve de sang-froid et de fermeté, de fermeté d’âme et ne pas se laisser ballotter au fil des événements comme un bouchon sur l’eau », affirme-t-il sans rire... Et, avec cynisme, il se félicite de la hausse de la TVA : « elle va permettre de financer la baisse du coût du travail dans toutes les entreprises […] Cela ne s’est jamais fait ». Effectivement, et c’est bien cette servilité vis-à-vis du patronat et des riches, cette arrogance et ce mépris des classes populaires et des plus faibles, l’hypocrisie et le double langage, qui unissent le Président et son Premier ministre dans le même rejet populaire.
Changer de cap ou changer les rapports de forces ?Son propre camp exprime à haute voix ses doutes. Malek Boutih appelle à « remplacer d’urgence » Ayrault, suivi par Anne Hidalgo. À droite, Roger Karoutchi s’en réjouit : « des parlementaires PS demandent le remplacement d’urgence de Ayrault sur le thème il y a le feu à la maison. Si eux mêmes le disent... Pour Malek Boutih, il faut un remaniement pour donner l’impression au pays qu’il est écouté... Tout est dit. La vraie solution : dissolution » rétorquent Philippot et le FN.Mélenchon, quant à lui, ironise sur Ayrault : « une erreur de casting » pour refuser « un changement cosmétique en remplaçant ce pauvre Ayrault par je ne sais qui d’autre ». Et Pierre Laurent revendique de changer de cap. Un changement de politique ? Un changement de cap ? Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Comment croire que ce gouvernement, cette majorité, pourraient mener une autre politique, même si le Front de gauche la rejoignait, même si Mélenchon réalisait son rêve, devenir Premier ministre ?Un changement de politique ne pourra venir que des luttes et des mobilisations pour changer le rapport de forces, construire une opposition à ce gouvernement et contre la droite et l’extrême-droite. Ouvrir la perspective d’un gouvernement qui en finisse avec l’austérité, en rupture avec le capitalisme.
Yvan Lemaitre