Les débats vont bon train sur le prétendu tournant social-libéral de François Hollande, selon la formule que reprend dans son titre l’éditorial de l’Humanité Dimanche. Un tournant, vraiment ?Il faut ne pas avoir été très lucide sur les 20 premiers mois du gouvernement Hollande-Ayrault pour voir dans les annonces des vœux présidentiels, puis dans sa conférence de presse de mardi, un tournant.« Une accélération » a dit le ministre du Travail Sapin, nous dirons une escalade dans la continuité des attaques contre les travailleurs et la population. S’il y a tournant c’est au sens où il n’est plus possible à Hollande de continuer le jeu des faux-semblants ou de la méthode Coué sur l’inversion de la courbe du chômage.
Gauche droite ?« Nous devons faire des économies partout où ce sera possible. C’est vrai pour l’État, pour les collectivités locales… et pour la Sécurité sociale, qui doit en terminer avec les excès et les abus », le fond n’est pas nouveau. La forme, contre les « excès » et les « abus », en accompagnement du « pacte de responsabilité » auquel Hollande a invité les patrons, l’est un peu plus, surtout quand cela est suivi de l’encouragement aux ministres à gouverner par décret et ordonnance.Pierre Gattaz s’en est aussitôt réjoui, se déclarant « prêt à jouer le jeu » en rappelant sa proposition formulée mi-novembre d’« un pacte de confiance, signé par plus de 80 fédérations professionnelles et 120 Medef territoriaux ». C’est aussi la copie conforme de ce que propose l’UMP, qui n’a pu qu’approuver l’annonce de Hollande. Woerth s’est ainsi félicité : « C’est notre politique ! Cela correspond au programme de Nicolas Sarkozy. » Chiche ont-ils dit, sauf Copé qui fait toujours semblant de croire qu’Hollande est de gauche !Et c’est bien sûr dans la même optique que François Hollande est allé à Toulouse pour vanter son projet sur la simplification de la vie des entreprises, qui viserait 1 à 2 milliards d’économies d’ici à deux ans. Des économies dont certaines seraient réalisées par la suppression d’une partie des 150 taxes pesant sur les entreprises.L’ami de patrons, notre adversaireHollande est bien dans la continuité de l’ANI, de la course à la compétitivité par la baisse du coût du travail. Il s’agit maintenant d’exonérer à terme le patronat du paiement de sa part des cotisations famille et maladie de la protection sociale. C’est bien une partie du salaire qui serait ainsi offert aux patrons, un nouveau cadeau de 37,7 milliards d’euros pris sur les salaires. Gattaz en demande encore plus, un allègement des contributions patronales de 100 milliards d’euros, une ponction sur le salaire différé qui serait compensé par l’impôt ou par une hausse de TVA que paieront les salariés. L’argument du « donnant-donnant » est un mensonge éhonté, un marché de dupes : « moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur les activités » en contrepartie de « plus d’embauches et plus de dialogue social ». Qui peut encore y croire ?Hollande justifie cette brusque accélération de son offensive contre les salariés en invoquant le fait que « la crise s’est révélée plus longue et plus profonde que nous l’avions nous-mêmes prévu ». Mais la crise ne tombe pas du ciel, elle est la logique de la politique des gouvernements qui se sont succédé et de leurs amis les patrons, l’oligarchie financière. Cette nouvelle escalade ne fera que l’aggraver.Se regrouper pour affronter ce gouvernementD’une certaine façon, c’est vrai qu’Hollande et son gouvernement n’ont pas d'autre choix que d’accentuer les attaques contre les salariés et, en conséquence, il ne peut plus manier un bluff auquel plus personne ne croit. Il est contraint de dire plus crûment les choses.Comment alors est-il encore possible de voir des syndicats comme la CFDT soutenir le pacte ? Comment est-il possible que les autres syndicats restent passifs et attentistes, comme s’ils n’avaient pas d’autre politique à opposer à celle des patrons et de Hollande ? Comment continuer à prôner un changement de cap comme le fait le Front de gauche ?Ce tournant dans la continuité de Hollande est une nouvelle démonstration de la nécessité de regrouper toutes les forces, les équipes militantes qui ont conscience qu’il n’y a pas d’autre issue que l’affrontement pour imposer nos exigences, mettre fin à l’austérité et à la course à la compétitivité, c’est à dire au profit. Yvan Lemaitre