Entretien. Le désaveu massif de la politique gouvernementale sous la forme de la déroute électorale du Parti socialiste rend urgente la construction d’une riposte sociale et politique. Cela d’autant plus avec la nomination de Valls comme Premier ministre. La marche du 12 avril s’annonce donc comme un moment fort dans l’affrontement avec le nouveau gouvernement, contre la montée de la droite et de l’extrême droite. Mais ce travail commun ne signifie pas la fin des débats. Cette semaine, nous donnons la parole à Nicolas Galepides, responsable de SUD PTT Solidaires, et Éric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche.La marche du 12 avril est soutenue par des partis, des syndicats, des associations et des « personnalités ». Un tel rassemblement n’est pas si fréquent. Comment l’expliquer ?Nicolas Galepides : L’état d’urgence, quand la pauvreté des débats, les politiques d’austérité et les attaques systématiques contre la solidarité, le cosmopolitisme et les droits élémentaires de toutes et tous sont à l’œuvre, on doit sortir dans la rue, organiser la confrontation sociale.Le rendez-vous du 12 avril doit rassembler derrière des mots d’ordre clairs, porter des alternatives crédibles et lisibles par tous. La compréhension de notre démarche est essentielle.Le résultat des municipales est éloquent à ce titre avec une droite qui rafle la mise sans programme et une extrême droite qui défend le service public et s’attaque à « l’eurostérité » et à l’ultra-libéralisme.Éric Coquerel : Chacun en sent bien l’impérieuse nécessité. D’une part le gouvernement « de gauche » poursuit sa politique de droite semant désillusion et découragement. D’autre part, la droite la plus réactionnaire et l’extrême droite prennent maintenant la rue, avec des résultats puisque François Hollande lui a donné plusieurs satisfactions.Les élections municipales viennent de confirmer dans les urnes ce que nous avons vécu ces dernières semaines dans la rue. La débâcle du PS et de ceux qui lui sont alliés appelle à une remobilisation de toute la gauche qui refuse l’austérité et la politique du Medef. Il faut le plus large front politique, social, associatif, citoyen pour exprimer le profond ras le bol de gauche que l’on ressent partout. Je crois que c’est essentiel, y compris pour permettre aux syndicats de lutte d’amplifier leurs propres rendez-vous de mobilisation contre le Pacte de responsabilité.La rédaction de l’appel a suscité des débats. Quel est l’enjeu essentiel ?Nicolas Galepides : Oui on a débattu, ce n’est pas dans les habitudes des syndicats de répondre aux appels des « popos ». Il s’agit avant tout de construire et de consolider le rapport de forces, en France mais aussi en Europe où ce sera possible.Des exemples nous parviennent d’Espagne, d’Allemagne, d’Italie, d’Angleterre, de collectifs qui se retrouvent et luttent pour des projets communs alternatifs au carcan institutionnel et capitaliste que nous connaissons. Partout c’est le même tableau avec la montée d’une droite populiste et réactionnaire, l’inertie du mouvement syndical institutionnel, le durcissement de la répression des mouvements sociaux. Le signal que nous enverrons vers le gouvernement, vers les élus, la population, mais aussi vers les camarades qui luttent partout ailleurs est essentiel pour créer la solidarité.Éric Coquerel : L’enjeu, c’est justement que nous soyons capables d’être en phase avec ce que l’on ressent dans le pays et plus particulièrement chez ceux qui ont battu Sarkozy. Franchement il n’y a plus d’illusion dans François Hollande et la possibilité qu’il change de politique par le seul effet de sa lucidité face au champ de ruines qu’il est en train de provoquer. Nous ne sommes plus dans le moment où nous pouvons espérer pousser le gouvernement dans le bon sens, comme s’il hésitait entre le Medef et une politique de gauche. Ce n’est pas le cas car Hollande n’applique pas une politique libérale contraint et forcé : c’est SA politique. Il faut donc établir un rapport de forces dans la rue et dans les urnes. C’est pour cela que nous disons qu’il faut rassembler l’opposition de gauche à la politique de François Hollande. Parce que c’est le passage obligé pour espérer refonder une nouvelle majorité.Nous avons commencé dans ces municipales avec quelques résultats riches d’espoir comme à Grenoble. Le 12 avril doit aussi permettre de converger sur le refus du vote de confiance qui n’est que la manière déguisée de faire adopter le Pacte de responsabilité. Hollande en fait un moment charnière de sa politique. Il faut donc la défaire sur ce point.Une idée traverse l’appel et les discussions : s’inscrire dans la durée. Quelles pistes concrètes ?Nicolas Galepides : Pour la gauche syndicale, outre le 1er Mai il y a des mobilisations autour de la semaine d’action européenne qui doivent connaître un temps fort le 17 mai avant les élections. Si une vraie dynamique du mouvement social se crée, face aux responsables des politiques d’austérité, on doit pouvoir engager un cycle de mobilisations, occuper le terrain, soutenir les luttes.Éric Coquerel : Il faut faciliter l’unité de tous ceux qui s’opposent ou au moins contestent, même de l’intérieur de la majorité gouvernementale, cette politique. Et en même temps il faut le faire dans des cadres qui permettent l’implication populaire. Le 12 avril, parce qu’il va rassembler la plus grande diversité de forces syndicales, associatives, politiques depuis longtemps, est une première bonne idée, il peut allumer la mèche. À condition évidemment qu’il n’apparaisse pas dévié vers un autre objectif. Ensuite il faudrait conserver un cadre collectif du même type, l’élargir même à partir du succès espéré du 12 avril, pour prendre d’autres initiatives de mobilisation.Difficile également de séparer complètement la rue et les urnes. Même si cela ne concerne pas toutes les forces réunies pour le 12, il faut en tenir compte. Je dirai que c’est complémentaire. Je ne suis malheureusement pas certain que nous parvenions aux européennes à unir tous les anti-austérité dans les mêmes listes, je suis cependant pour essayer jusqu’au bout, mais il y aura par la suite d’autres rendez-vous comme les régionales. Pour notre part, nous voulons rester les facilitateurs de l’unité. J’espère que le Front de gauche tout entier jouera ce rôle, et que, comme pour ce 12 avril, le travail en commun avec le NPA va s’amplifier.Propos recueillis par Robert Pelletier