Dans l’exposé des motifs de la loi sur les retraites présenté au Conseil des ministres, il est précisé que « le gouvernement entend contribuer à la construction de la protection sociale du 21e siècle, en mettant en place un système universel ».
La « Caisse nationale de retraite universelle » (CNRU) regroupera la plupart des organismes actuels : les caisses de retraite de tous les régimes de la Sécurité sociale, notamment la caisse nationale (la CNAV) et les caisses régionales (les CARSAT)1, et les organismes complémentaires.
Il ne s’agit pas d’une simple mesure d’organisation. Cette contre-réforme aura des conséquences importantes non seulement sur le niveau de vies des futurs retraitéEs, mais aussi pour la quasi-totalité de la population vivant en France, car elle va à terme détruire le système de protection sociale, issu du rapport de forces de 1945.
De l’étatisation de la branche vieillesse de la Sécu...
Actuellement la CNAV décide de l’orientation de « l’assurance vieillesse », et contrôle les caisses de base, les CARSAT, qui ont pour missions notamment de recueillir les informations professionnelles et familiales des assuréEs sociaux afin de calculer les pensions avant les départs en retraite et de les verser chaque mois aux retraitéEs. Ces missions seront prises en charge à partir de 2025 par la CNRU.
Celle-ci disposera « d’un réseau territorial », mais les CARSAT ne disposeront plus de la personnalité morale, toutes les décisions importantes leur échapperont et seront prises centralement par la Caisse universelle placée sous la tutelle étroite de l’État.
Un rapport sur « la rénovation des relations financières entre l’État et la Sécurité sociale » préconise « d’utiliser une partie des excédents de la Sécurité sociale pour renflouer le déficit du budget de l’État » ce qui mettra fin à l’autonomie du budget de la Sécu. L’instauration du régime universel achèvera l’étatisation de la Sécurité sociale et mettra en œuvre un nouveau processus, désiré par le patronat depuis 70 ans, celui de la privatisation des institutions sociales.
… à la privatisation
Les ingrédients existent dans le projet de loi sur les retraites. Les droits sociaux seront individualisés. L’âge de départ à la retraite ne sera pas le même pour tous et toutes, il pourra dépendre de l’emploi occupé et des critères de pénibilité au travail choisis par le gouvernement et ses complices, et surtout du montant des pensions dont disposeront les retraitéEs. Le gouvernement explique que « l’âge d’équilibre » permet à chacun de choisir l’âge de départ à la retraite. Mais « ce choix individuel » se fait sous la contrainte avec le dispositif du bonus ou malus sur le montant de la pension. L’individualisation des droits sociaux a pour conséquence in fine d’anéantir la solidarité, une protection collective n’est plus nécessaire, à chacun de souscrire individuellement à une assurance privée.
… de la protection sociale
Dans l’exposé des motifs de la loi sur les retraites présenté au conseil des ministres, il est précisé que « le gouvernement entend contribuer à la construction de la protection sociale du 21e siècle, en mettant en place un système universel ». Pour cela de multiples chantiers de destruction des politiques sociales sont mis en œuvre ou programmés.
Macron a déclaré que le reste à charge zéro, concernant certaines lunettes, les prothèses dentaires et audioprothèses serait « une conquête sociale essentielle ». Mais ce « remboursement intégral » est en grande partie pris en charge par les mutuelles et assurances privées qui ont pour la plupart augmenté fortement leurs cotisations. Il a fustigé le « pognon de dingue » que coûteraient les aides sociales. Il avait annoncé une loi sur le financement de la dépendance qui devait être votée avant la fin de 2019 pour « répondre à la nouvelle vulnérabilité sociale » du grand âge, en précisant que ce n’était pas simplement un engagement financier. Elle est toujours attendue. Avec la réforme du chômage, 3,4 milliards d’euros d’économies ont été réalisées, dont 80 % sur le dos des chômeurEs. Les dispositions individualisent aussi les allocations chômage. La prévention de la santé au travail et la réparation des risques professionnels est du ressort de la CNAV et des CARSAT. Le sort de ces missions sera connu dans 18 mois, après la publication d’ordonnances. Un rapport sur la santé au travail de Charlotte Lecoq, députée LREM, attaque le droit à la réparation des accidents de travail et maladies professionnelles en opposant la réparation et la prévention, donc la capacité d’agir dont dispose encore à ce jour la Sécu pour imposer des mesures de prévention des risques.
- 1. CNAV : Caisse nationale d’assurance vieillesse. CARSAT : Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail.