Publié le Mercredi 3 novembre 2010 à 15h49.

Le gouvernement n’est pas tiré d’affaire !

En criant sur tous les toits que la crise sociale est finie, le gouvernement se ridiculise pour de bon.Médias, experts et gouvernants, qui ne cachaient plus leurs inquiétudes, ont soudain entonné le même refrain : la crise sociale est terminée, l’ordre règne. Le gouvernement est tellement pressé d’annoncer la fin de la pénurie d’essence qu’il rate aussi cette séquence. En communiquant à outrance sur « le retour à la normale » alors que les automobilistes constatent le contraire, il est, sur ce terrain aussi, pris en flagrant délit de mensonge. Mais c’est une habitude. Les ministres affichent un soulagement forcé, ils multiplient les déclarations sur « la fin du mouvement », « le ralentissement significatif de la mobilisation », la « sortie de crise ». Au soir de la journée de mobilisation du 28 octobre, ils roulent des épaules, genre « même pas mal ». La loi a été adoptée les 26 et 27 octobre successivement par le Sénat et l’Assemblée nationale, elle doit être promulguée par Sarkozy  à la mi-novembre après avis du Conseil constitutionnel. Au strict plan institutionnel, le gouvernement aurait réussi, il a sa loi, il a le passage à 62 et 67 ans, la négation de la pénibilité, un recul social significatif. Pourtant les déclarations restent prudentes, comme si les membres du gouvernement n’étaient pas pleinement convaincus d’avoir gagné. Le gouvernement a fait le choix de l’affrontement ouvert en présentant son projet détaillé le 16 juin et en laissant jusqu’au 18 aux syndicats pour faire part de leurs remarques. On connaît la suite : passage en force, calendrier extrêmement serré, présentation de la loi au Conseil des ministres le 13 juillet, vote à l’Assemblée nationale le 15 septembre et au Sénat le 22 octobre. Ce choix peut s’avérer coûteux ! C’est lui qui a fourni le ciment de l’unité syndicale en fermant toutes les portes du « dialogue social », au grand regret d’un Chérèque qui se plaint d’avoir « fait des ouvertures grandes comme ça », méprisées par le pouvoir. C’est d’ailleurs le même Chérèque qui a ouvert le bal du retour de la négociation, en réclamant à Laurence Parisot, présidente du Medef « qu’on ouvre une négociation entre le patronat et les organisations syndicales sur l’emploi des jeunes et des seniors ». Faussement étonnée, elle accepte immédiatement : « Ce serait une bonne façon de passer à autre chose […] Je suis d’accord pour qu’on ouvre une délibération sociale, pour voir si on peut [...] commencer à travailler ensemble ». Éric Woerth, qui n’attendait que ça, s’empresse de surenchérir : « c’est une très bonne chose qu’on puisse négocier sur l’emploi des jeunes et des seniors car c’est une des plaies françaises d’avoir un emploi des seniors plutôt plus faible qu’ailleurs et en même temps un emploi des jeunes plus faibles qu’ailleurs ». Et Christine Lagarde de se féliciter : « Je salue à la fois le retour de la raison et du dialogue ». Le dialogue après la répression... Le pouvoir mesure néanmoins que nous sommes passés bien près d’une crise sociale et politique qui aurait pu lui être fatale. Malgré ses rodomontades, il sait aussi que les choses ne sont pas terminées et que le mouvement peut continuer, rebondir, et rester dangereux. Les déclarations de Woerth sont assez significatives, il prend la précaution de déclarer « cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’inquiétudes, ça nous appelle je pense à un renforcement de l’explication », et d’ajouter qu’il faudra « continuer dans les mois qui viennent à réexpliquer pourquoi on doit transformer nos régimes sociaux, surtout celui-là, pour mieux les protéger ». Il y a un zeste de « ni vainqueur ni vaincu » dans cette affaire. Et Borloo peut prévoir des centaines de Grenelle, il ne pourra faire oublier la colère que les salariés unis ont exprimée et expriment encore. La crise économique qui se poursuit impliquera d’autres attaques. Le gouvernement, qui voulait démontrer sa détermination pour flatter les marchés financiers, s’est attiré les critiques de ses pairs européens, et la confiance dans ses capacités à porter les prochains coups est aujourd’hui quelque peu ébranlée. Christine Poupin