Nous pourrions presque avoir de la pitié pour lui. L'accent est bien mis sur le « presque », puisque les seuls responsables dans ce qui arrive à Adrien Desport, c'est bien lui-même et son immense bêtise.
Le 16 septembre prochain, le jeune homme âgé de 25 ans, militant acharné du Front national (FN), sera fixé sur son triste sort. Le triste Sire risque quatre ans de prison ferme, dont trois ans ferme, si les juges suivent les réquisitions du procureur de la République lors de son procès qui s'est déroulé le 2 septembre. Son propre parti l'a désavoué, parce qu'il en faisait décidément trop.
En avril 2015, le jeune homme avait cru malin d'incendier, avec quelques acolytes plus ou moins alcoolisés, d'aller incendier plusieurs voitures dans les départements 77 et 95. On cherche à dénoncer « l'insécurité » qui, prétendument, règne partout ? Rien de plus facile : on n'a qu'à créer le fameux « sentiment d'insécurité » soi-même, justement en mettant opportunément le feu à quelques véhicules, avant de dénoncer les bandz-ethniquz dans un communiqué de presse enflammé, estampillé FN.
On aurait tort de croire le procédé exceptionnel, du côté de cette extrême droite qui se veut le chantre d'une idéologie sécuritaire. Déjà en 1997 et 1998, lors de certains feux de voitures spectaculaires en Alsace, le procureur Edmond Stenger ne faisait-il pas comprendre, à mi-voix mais clairement audible, que des militants d'extrême droite pourrait y être pour quelque chose... afin de renforcer ledit « sentiment d'insécurité » ? En 2002, dans l'Ain, des gendarmes n'ont-il pas déclaré, lors d'incendies de voitures qui arrivaient juste entre les deux tours de l'élection présidentielle (la fameuse, celle qui voyait Jean-Marie Le Pen accéder au second tour), que l'événement pouvait être lié « à la conjoncture électorale », pince-sans-rire ?
Cette fois-ci, cependant, la chose ne marchait pas bien. C'était trop : trop visible, trop bruyant, trop mal inventé. Puis l'une des cinq personnes qui accompagnaient le jeune militant-plein-d'espoir, tête de liste du FN en 2014 à Mitry-Mory (77), son ex-petite amie par ailleurs, commença à avoir des doutes. Elle allait s'en ouvrir à la direction du parti qui, elle, dénonça le procédé - pourtant pas si inhabituel que ça, on l'aura vu - auprès des autorités, certainement pour prouver qu'on avait « les mains propres ».
C'est certainement lié aussi au fait que le jeune-gendre-idéal-du-facho-du-coin avait déjà défrayé la chronique. Nos journaux bourgeois, qui ont parlé de l'affaire lors du procès de cette semaine (le journal Libération ayant inventé le joli surnom : « L'homme qui aimait trop les flammes »), ont omis de le signaler, mais Desport - un militant plutôt proche du vieux Jean-Marie Le Pen - avait déjà abondamment fait parler de lui en 2013-14, lorsqu'il préparait sa candidature aux municipales, précisément. Il avait alors tenu des propos antisémites en attaquant Jean-François Copé - maire de la ville voisine de Meaux, et dont nous n'aimons pas trop les opinions politiques par ailleurs - pour ses origines, notamment en insinuant qu' »on ne mange pas du porc chez ces gens-là » et en ajoutant (à l'attention de ceux qui n'auraient pas compris) que « son grand-père, juif roumain, s'appelait Copelevic ». Dans un FN en quête de « dédiabolisation », ça en faisait peut-être trop... mais pas assez, cependant, pour lui retirer la candidature aux municipales.
Aucune pitié, donc, si le jeune fasciste va un peu morfler, lors de la condamnation prochaine qui se profile. Encore heureux pour lui qu'il n'est pas jugé selon une législation pénale qu'aurait inventé le FN. Ça aurait donné quoi, en fait ? Une condamnation à mort pour actes subversifs, avec en prime une petite séance de mise au pilori ? Ne cauchemardons pas trop sur ce que serait un régime FN, mais tâchons plutôt à lui barrer efficacement la route, partout et sous toutes ses formes d'apparition, que ce soit au nom du père, de fille ou de l'esprit-malsain.