Publié le Mercredi 11 avril 2018 à 14h03.

L'extrême droite, le social et les élections : répartition des tâches

La dimension violente couplée aux querelles d’égo des petits chefs rend incontrôlables, par un FN en quête de respectabilité, les groupes. D’autant que ces franges radicales ne témoignent pas forcément de la sympathie politique pour Marine Le Pen. Le FN n’a pas vraiment besoin de nervis pour semer la terreur dans les rangs du mouvement social. Son écho dans de nombreuses couches de la population et ses succès électoraux lui suffisent. Il serait hasardeux de lire les manifestations de l’extrême droite violente comme téléguidées par le FN. Pour autant, les connexions existent mais se jouent ailleurs.

« Les nôtres avant les autres »

Un danger, et non des moindres, est l’investissement de militants dans des vraies associations ou des syndicats. La présence de plusieurs membres du « Bastion social » dans une manif de pompiers à Lyon en janvier doit servir d’alerte. À Rouen, l’infiltration d’un militant des Identitaires dans la CGT ne fut révélée que lorsqu’il fut candidat (et élu) pour le FN à Elbeuf en 2014. Sans vigilance, le risque existe de retrouver un militant d’extrême droite délégué syndical ou dirigeant une lutte.

Des Identitaires à La Dissidence en passant par le Parti de la France (PdF), dans de nombreuses villes, quasiment tous les groupes d’extrême droite organisent des maraudes pour distribuer nourriture et vêtement aux SDF « de souche ». Cette forme de militantisme présente pour eux l’avantage de ne pas entrer en concurrence électorale avec le FN dans une répartition des rôles bien comprise. Le FN ne trouve rien à redire. D’ailleurs, des sections du FNJ, comme à Paris, perpétuent l’exemple du Pasteur Blanchard, figure emblématique et historique des « soupes au cochon », qui continue ses maraudes. Ces initiatives sous le mot d’ordre « Les nôtres avant les autres » sont autant de vernis social sur la politique discriminante et xénophobe de la préférence nationale.

« Fougue de la jeunesse »

À Toulouse, le « Cercle souveraineté et identité » regroupe des Républicains à l’Action française en passant par l’UPR et Debout la France. Face à la polémique causée par une distribution de sandwichs pur porc, Julien Leornadelli, conseiller régional FN, n’y voit que la « fougue de la jeunesse » et se réjouit de l’initiative du rassemblement... même l’Action française s’est dissociée en qualifiant l’initiative de caricaturale et mesquine. Pascal Gannat, comme d’autres élus FN régionaux des Pays-de-la-Loire, s’insurge de voir le Bastion social subir des pressions, une « association aidant les Français et les Européens en priorité » alors que celles « aidant exclusivement les migrants sont subventionnées ». À Angers, il salue l’Alvarium comme « une initiative culturelle, sociale et caritative de jeunes angevins ». Il faut dire qu’un de ses fils, le leader du RED, en est le porte-parole. À Chambéry, un élu FN d’Annecy participe à l’inauguration du Bastion social. À Marseille, le cumulard FN Stéphane Ravier y va aussi de son soutien. Il faut dire que les militants de l’Action française n’ont pas été étrangers à sa campagne municipale victorieuse de 2014.

Ces locaux de l’extrême droite restent des lieux de socialisation où peuvent se croiser tous les courants. « Hasard du calendrier », la Citadelle des zids lillois fêtaient justement son anniversaire le week-end du congrès du FN.