Publié le Mardi 6 mars 2018 à 11h55.

Marine Le Pen sans concurrence ?

Dimanche 11 mars, c’est-à-dire au deuxième et dernier jour du congrès qui se tiendra à Lille, la présidente du FN annoncera le nouveau nom qu’elle souhaite donner à son parti. Son contenu est jusqu’ici ignoré de tout le monde. Si le député Gilbert Collard a annoncé qu’il souhaite voir adopté le nom « Les Nationaux », il semble lui aussi ignorer les intentions de sa cheffe.

De façon prudente, la direction du FN n’a pas mis le changement de nom au vote de ses membres avant le congrès : elle l’y soumettra après. Des réactions de rejet basées sur la nostalgie (« Ça marchait mieux avant, le FN ») ne sont pas exclues. Une partie de la base militante, comme de l’électorat du FN, en veut toujours à l’actuelle présidente du parti d’avoir douché froidement leurs espoirs à l’élection présidentielle en mai 2017, surtout lors du fameux (piètre) débat du 3 mai face à Macron.

Deux lignes contradictoires

Il n’est d’ailleurs pas exclu que les jours de celle qui préside le parti depuis désormais sept ans soient comptés. Au congrès, elle ne risque rien : elle sera la seule candidate à sa succession. Un candidat concurrent avait pourtant émergé : Éric Dillies, le patron du FN à Lille, souhaitait affronter Marine Le Pen ainsi que la « ligne » qu’elle incarne. Mais il en aura été empêché, faute d’un nombre suffisant de signatures émanant de secrétaires du parti.

Si Éric Dillies avait pu la défier, cela aurait aussi été un affrontement entre deux lignes contradictoires. Dillies fait partie de ceux, plutôt nombreux depuis le tournant de 2015-2016, qui considèrent que la ligne du parti n’est pas assez affirmée comme celle d’un parti de droite. À leurs yeux, plusieurs facteurs y contribuent : un discours économique très axé sur la démagogie sociale, l’absence de toute politique d’alliance crédible à droite, liant le FN avec des forces plus ou moins importantes de celle-ci, le fait de ne pas être pris au sérieux par les dirigeants économiques, l’absence d’une partie de la direction du FN du mouvement anti-mariage pour touTEs.

Éviter les choix stratégiques

Or, ce débat entre deux « lignes » – une qui souhaite délibérément entretenir l’illusion que le FN serait « ni de gauche ni de droite », pour pouvoir dresser les mécontents de tous bords contre « le mondialisme au pouvoir », et une qui s’affiche clairement à droite de la droite – n’aura pas lieu à Lille. Une autre confrontation aura également été évitée, puisque Jean-Marie Le Pen a finalement annoncé qu’il ne se rendrait pas au congrès, pour ne pas gêner politiquement sa fille (dans ses mots à lui : « pour ne pas contribuer à son assassinat »).

Ce congrès évitera donc les choix stratégiques, alors que la direction du FN n’est pas sortie de l’impasse quant aux perspectives à moyen et long terme. Cette question se posera bien, mais plutôt « après Lille ». Marine Le Pen donne d’ailleurs des signes d’une éventuelle résignation en évoquant elle même l’hypothèse de ne pas être la candidate de son camp à l’élection présidentielle de 2022. La place pourrait alors revenir à sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, qui, sans défendre des idées fondamentalement opposées, incarne une autre ligne : plus ouvertement droitière, plus axée sur les « valeurs traditionnelles » ( catholiques et identitaires ), promettant plus de libéralisme économique. Avec son show à Washington le 22 février, où elle a été l’invitée d’un aréopage de dirigeants de la droite US, elle est revenue dans le jeu politique français, même si elle en reste officiellement retirée. Affaire à suivre…

Bertold du Ryon