Publié le Jeudi 11 avril 2013 à 11h46.

Maroc : de l'affaire aux affaires…

En pleine tourmente liée à l'affaire Cahuzac et à ses suites, François Hollande vient de rendre visite à Mohammed VI au Maroc. L’agenda est sans surprise : faire des affaires et soutenir un pouvoir politique qui défend à merveille les intérêts des entreprises du CAC 40… Accompagné d’une soixantaine de patrons, le chantier des accords avait déjà été préparé par la visite de Ayrault en décembre. Il s’agit de rattraper le retard accumulé par la France sur l'Espagne qui lui a pris la moitié des parts du marché marocain. La France, qui compte réaliser le TGV, ne cache pas son ambition de remporter la deuxième tranche de la centrale solaire de Ouarzazate, et de réaliser et gérer le plus grand parc éolien à Tarfaya… en plus des contrats dans le domaine ferroviaire, tramway, métro, de l'agro-alimentaire et de l'épuration des eaux ! Une station d'épuration construite par une filiale de GDF-Suez a d'ailleurs été inaugurée. Enfin, des discussions exploratoires ont eu lieu sur le programme de la prospection et de l'exploitation éventuelle du gaz de schiste. Des oublis fâcheuxLa visite de Hollande avait également un versant politique. Dans son discours devant le Parlement, il s'est contenté de dire qu'il y a au Maroc « des impatiences à apaiser et des inégalités à réduire » tout en précisant que le Maroc accomplit « chaque jour » des « pas décisifs » vers la démocratie et s’affirme comme « un pays de stabilité et de sérénité »… occultant le passage pourtant distribué aux journalistes concernant la nécessité « des réformes à poursuivre dans le sens du respect des droits humains ». Pas un mot donc sur les étudiants de l’Unem et militants du 20 février en grève de la faim à Fès, Taza et Meknès ou les 22 ressortissants français également en grève de la faim et torturés pour un certain nombre d’entre eux. Rien non plus de la répression quasi systématique que rencontrent les mouvements populaires, des procès préfabriqués ou des atteintes multiples à la liberté d’expression. Il n’a également pas parlé de l’occupation du Sahara occidental ou du jugement par un tribunal militaire de civils sahraouis dont nombre d’entre eux ont été condamnés à perpétuité. Sur ce sujet, il a juste rappelé la position classique de l’État français de soutien à une solution négociée, considérant le plan d’autonomie marocain comme une « base sérieuse et crédible » et donnant ainsi des gages sur le refus d’étendre les missions de la Minurso à l’observation de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental. Des réseaux franco-marocainsD’une manière moins officielle, les discussions ont également porté sur la crise syrienne mais aussi sur le Mali où le Maroc, pièce centrale dans le soutien de longue date de la Françafrique, y compris sur le plan militaire, a apporté un large soutien logistique et matériel. Depuis très longtemps, quels que soient les gouvernements, comme le note le journaliste Ali Amar, « il existe des relations construites sur des réseaux anciens et qui sont dans la continuité des relations incestueuses entretenues par les élites françaises avec les cercles du pouvoir marocain ». Ces cercles de connivence, se retrouvent aussi bien auprès des élites médiatiques, les grands patrons de presse, du show business, des élus « mais aussi et surtout auprès du patronat français ». Il rajoute que ce sont des « relations basées sur la compromission et la corruption ». C'est ce que l’on appelle la diplomatie mamounia, où « se cachent des intérêts particuliers personnalisés, où on donne des avantages en nature ou financiers à ceux qui apportent ces affaires ». Najat Vallaud-Belkacem était membre du Conseil royal consultatif de la diaspora marocaine, une makhzenienne déclarée. Manuel Valls est un des principaux Ouissamistes du gouvernement français (l’ordre du Ouissam el Alaouite, la plus haute distinction du Maroc, est décerné aux personnalités qui ont rendu des services éminents au royaume) et la liste est longue… La raison pour laquelle on n’entend jamais de critiques émanant du gouvernement français contre le pouvoir marocain. Chawqui Lotfi