Publié le Mercredi 4 décembre 2019 à 13h15.

Non, l’antisionisme n’a rien à voir avec l’antisémitisme !

Le mardi 3 décembre était adoptée, à l’Assemblée nationale, une résolution présentée comme destinée à « lutter contre l’antisémitisme ». En réalité, il s’agit d’une nouvelle tentative d’opérer l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme.

Mêle si le texte, présenté par le député LREM Sylvain Maillard, n’a pas de valeur contraignante, il doit être considéré et combattu pour ce qu’il est : une offensive supplémentaire contre le mouvement de solidarité avec la Palestine. 

Faire taire le mouvement de solidarité avec la Palestine

La résolution de Sylvain Maillard avait été présentée une première fois le 29 mai dernier, mais son examen avait été reportée. Coïncidence ? La veille, le même Maillard organisait une conférence dans un grand hôtel parisien avec deux des plus éminents soutiens de l’État d’Israël à l’Assemblée nationale, Claude Goasguen et Meyer Habib, avec comme « invité d’honneur » Yossi Dagan, l’un des leaders des colons de Cisjordanie. Autant dire que sous couvert de lutte contre l’antisémitisme, Maillard et les députés soutenant la résolution ne dissimulent guère leurs véritables objectifs : faire taire le mouvement de solidarité avec la Palestine en amalgamant critique de la politique coloniale d’Israël et antisémitisme. 

Ce que propose notamment la résolution, c’est d’adopter la « définition » de l’antisémitisme proposée par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) depuis l’été 2016. Une « définition » qui explique notamment que l’antisémitisme correspond à « une certaine perception des Juifs, qui peut s’exprimer comme de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques d’antisémitisme visent des individus juifs ou non juifs ou/et leurs biens, des institutions et des lieux de culte juifs. » Rien de bien nouveau à première vue, jusqu’à ce qu’on se penche d’un peu plus près sur les exemples fournis par l’IHRA pour illustrer cette définition, parmi lesquels on trouve ce qui suit : « L’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive. Cependant, critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme. » Et c’est ici, si l’on peut dire, que les principaux problèmes commencent…

L’antisionisme est un antiracisme

Qu’est-ce en effet qu’une « attaque à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive » ? En effet, dans la mesure où l’État d’Israël se proclame lui-même comme étant « l’État des Juifs », on ne comprend guère, à première vue, ce que signifie la « perception » d’Israël comme une « collectivité juive ». Nul besoin, toutefois, de réfléchir bien longtemps pour déduire de cet « exemple » que ce sont les critiques des politiques discriminatoires pratiquées par l’État d’Israël contre les populations non-juives qui sont visées, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, que de plus en plus de juristes spécialistes du droit international assimilent à des politiques d’apartheid, entendu comme un système de discriminations juridiques reposant sur des catégories nationales, ethniques ou religieuses.  

C’est d’ailleurs tout le sens de la formule qui affirme que « critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme ». Comme l’a relevé l’historien et journaliste Dominique Vidal : « Faudra-t-il reprocher au Lichtenstein d’occuper un territoire ou à Andorre d’en coloniser un autre pour pouvoir accuser Israël d’occuper et de coloniser Jérusalem-Est et la Cisjordanie ? »1

La critique du sionisme est la critique d’une idéologie et d’une politique fondées sur une vision ethno-raciale des rapports sociaux qui a conduit l’État d’Israël à institutionnaliser les discriminations et l’oppression subies par les Palestiniens au moyen de lois accordant des droits spécifiques (et supérieurs) aux Juifs. Ainsi, critiquer le sionisme et les structures discriminatoires de l’État d’Israël, ce n’est pas faire preuve de racisme mais, bien au contraire, refuser la légitimation de mécanismes institutionnels de hiérarchisation raciale. Antisionistes nous sommes, antisionistes nous resterons, n’en déplaise à Maillard et Cie !

Julien Salingue

  • 1. Dominique Vidal, « Colin-Maillard à l’Assemblée », Mediapart, 2 juin 2019.