L’appel « big bang » se veut une réponse à la crise de La France insoumise et plus globalement de la gauche, face à la menace de l’extrême droite, à la répression, pour reconstruire un projet émancipateur. On ne peut qu’être d’accord. À condition que cela serve réellement à construire les luttes et/ou un projet de rupture avec le capitalisme.
La réunion du 30 juin a réussi à réunir des personnalités très variées, de Philippe Martinez à des représentants de Youth for Climate. Une délégation du NPA s’y est rendue pour montrer notre disponibilité pour des discussions et actions unitaires.
Le problème de la référence à la gauche
Les initiateurEs et la majorité des intervenantEs s’opposent à l’orientation « populiste » de la direction de la FI. Mais cette opposition ne se prolonge pas dans le projet de reconstruction des délimitations de classe. La lutte des classes est d’ailleurs quasiment absente du discours de Clémentine Autain1, qui parle de président des riches, jamais de bourgeoisie ; de solidarité, de République, d’égalité entre les territoires, mais pas de la lutte du monde du travail contre le camp d’en face. Le projet de reconstruire la gauche prend alors tout son sens puisque cette délimitation a été « le produit d’un compromis historique particulièrement instable entre un socialisme ouvrier et le camp républicain, c’est-à-dire les secteurs de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie qui s’opposaient à l’Ancien Régime » 2.
Et le projet émancipateur du « big bang » en est bien raboté : pas de socialisme, encore moins de communisme, mais la reconstruction d’un « nouveau tout » pour les « services publics, l’égalité, la solidarité et la transition écologique » contre le « capitalisme financiarisé ».
La quasi-absence de perspectives pour les luttes
DifférentEs animateurEs des mobilisations sociales étaient présentEs le 30 juin, mais le discours politique de C. Autain n’avance aucune campagne, aucune proposition pour les luttes de la rentrée. La seule campagne unitaire évoquée est celle contre la privatisation d’Aéroports de Paris, pour expliquer qu’on peut faire l’unité avec la droite dans une campagne concrète, mais qu « on ne va pas gouverner » avec elle.
C’est donc dans le sens inverse qu’Olivier Besancenot est intervenu, pour indiquer que notre proposition est de « se retrouver, en permanence, dans le cadre des mobilisations. […] Certains vont dire “c’est encore le coup de l’unité dans les luttes, et les perspectives politiques alors ?” Camarades, en trente ans, la seule chose qu’on n’ait pas tenté pour dénouer les questions politiques, c’est de prendre les choses comme ça ! »
Une perspective pour les luttes… ou pour les élections ?
De fait, cette faiblesse de la référence aux luttes futures laisse comme seules perspectives les élections municipales, voire la prochaine présidentielle. On sent pointer le projet d’une candidature à la présidentielle concurrente à celle, prévisible, de Jean-Luc Mélenchon, à travers le positionnement de Clémentine Autain.
Les initiateurEs proposent des réunions partout autour du « big bang », avec une réunion nationale les 7 et 8 décembre. Leur idée est probablement de fonder un nouveau mouvement, qui prenne son autonomie par rapport à la direction de La France insoumise. En soi, il est positif que les courants qui refusent son orientation populiste se structurent pour la combattre. Mais le risque, alors que l’initiative semblait positive, est de n’avoir comme résultat, ni la construction d’un cadre unitaire pour la construction des mobilisations, ni celle de l’organisation dont nous avons besoin pour renverser le capitalisme, mais la reconstruction d’un cadre pour peser à la marge dans les débats au sein de la gauche institutionnelle puisque, face aux grandes manœuvres des poids lourds que sont Mélenchon, le PCF ou le PS, on ne voit pas bien comment cette initiative pourrait construire un rapport de forces suffisant pour peser réellement.
- 1. Sauf indication contraire, les citations sont celles du discours, ovationné, de Clémentine Autain : https://www.facebook.com/2882052348534170/videos/1341987389286697/ (à partir de la 24e minute).
- 2. François Sabado, « La gauche, une ambiguïté historique fondamentale », Critique communiste n°176, juillet 2005. Lire aussi, dans le même numéro, l’article de François Duval, « Passé de la gauche et gauche du passé ».