Depuis près de deux ans, nous participons en tant que militant·es d’Ensemble !, avec d’autres — dont des camarades du NPA-A— au processus « On construit l’alternative ». Membres du courant Autogestion Émancipation au sein d’Ensemble ! nous nous exprimons, ici, avec l’objectif de débattre avec le NPA-A.
Il s’agit ici de traiter de quelques questions politiques importantes, dans la perspective de constituer à moyen terme une force politique commune de gauche alternative (au sens où nous l’entendons : une force à la fois anticapitaliste et autogestionnaire, féministe et écologiste, internationaliste et altermondialiste, antiraciste...).
En première partie, nous abordons quelques questions dont nous pensons qu’elles peuvent, avec des nuances sans doute, faire l’objet d’un accord sur le fond entre nous et le NPA-A. Ensuite, nous pointons quelques questions qui méritent probablement débat,
Poursuivons les échanges ! Si nos forces sont modestes, nous avons des responsabilités communes pour résister à l’ordre établi, faire face avec le plus grand nombre à la menace néofasciste et porter des perspectives alternatives.
Un monde multipolaire
L’impérialisme étatsunien reste dominant mais sa domination est relativisée par la concurrence d’autres impérialismes, notamment chinois, mais aussi russe, britannique, français. Les activités anticoloniales et de solidarité internationaliste et altermondialiste demeurent donc prioritaires avec les peuples du Sud, face à tous les impérialismes.
Il s’agit de solidarité mais aussi, partout dans le monde, de défense du droit des peuples à la liberté et à l’autodétermination, y compris en France (Corse, Mayotte, Kanaky, Guadeloupe, Guyane...). Nous réaffirmons notre solidarité totale avec la résistance armée et non-armée des peuples palestinien et ukrainien, pour leur autodétermination face au génocide organisé par l’État d’Israël et à l’agression impérialiste russe.
Face à l’offensive de Trump, redisons la nécessité de la paix et du désarmement, mais aussi de nouvelles régulations mondiales, du respect du droit international et d’une réforme radicale de l’ONU donnant le pouvoir à son assemblée générale et représentant autant les peuples que les États.
Des réponses de type néofasciste à une crise systémique qui se double d’une crise d’hégémonie
En France, nous sommes confronté·es à une triple crise : de régime (celle de la 5e république verticale et autoritaire, perceptible depuis le mouvement « retraites » et l’obligation de recourir au 49-3), crise politique (situation inextricable suite à la dissolution de Macron et au refus de nommer Lucie Castets), et crise de la représentation politique (discrédit quasi-total, à l’exception hélas du RN et de la FI dans une moindre mesure, de tous les partis).
Cette crise s’inscrit dans une crise mondiale multidimensionnelle : économique, sociale, démocratique, écologique ; absence de perspectives politiques.
La victoire électorale de Trump accentue cette crise et la menace néofasciste. C’est aussi une crise d’hégémonie : aucune réponse bourgeoise classique n’est opératoire et dans nombre de pays, une part croissante de la droite et des élites est acquise à des réponses de type néofasciste et des alliances avec l’extrême droite.
La révolution, autrement
Le clivage réforme-révolution n’est pas caduc : il partage la gauche, sans remettre en cause la nécessité de son rassemblement, de son aile social-démocrate aux composantes de la gauche radicale. L’espace d’un possible réformisme est fermé par la radicalité de la crise multidimensionnelle globale et la brutalité des politiques des droites. Mais cet espace demeure, alimenté par l’illusion d’une partie des dominé·es et des opprimé·es qu’il serait possible de nouer des compromis avec les dominants, sur le plan social et écologique.
Or ceux-ci n’accepteront jamais de perdre leurs pouvoirs et leurs privilèges : une révolution est nécessaire si l’on veut ouvrir une perspective d’autogestion et d’émancipation. Celle-ci implique un affrontement inévitable avec les dominants et l’État bourgeois qui les protège.
Seule la construction d’un rapport de forces permanent combinée à la menace d’une révolution peut permettre d’obtenir des concessions des dominants.
Nous sommes aussi en partie comptables des échecs tragiques des révolutions anticapitalistes du 20e siècle : il nous faut donc préciser que la révolution sera démocratique, non pas une fulgurance mais un processus fait d’avancées et de reculs, de paliers et de ruptures, l’une, majeure, étant la socialisation des moyens de production.
Pour préparer cette révolution longue, l’auto-organisation, le contrôle citoyen et populaire (appelé autrefois contrôle ouvrier) et l’autogestion sont des pratiques décisives : c’est pourquoi nous parlons de stratégie autogestionnaire. Celle-ci s’appuie sur les mobilisations et sur le « déjà là », constitué de toutes ces pratiques alternatives (production, consommation, culture) qui dessinent déjà la société alternative post-capitaliste.
Partir des luttes
Gilets jaunes, opposition massive à la contre-réforme des retraites, refus des licenciements, luttes écologistes (Sainte Soline, A69), soulèvements de la jeunesse des quartiers populaires… : ces luttes portent des exigences démocratiques et égalitaires radicales fondamentales, tout comme la révolution féministe mondiale accélérée par MeToo et la conscience écologique planétaire.
Ces luttes sont les moteurs des changements nécessaires qui ne viendront pas d’en haut. Elles ont besoin d’une force politique qui les soutienne, porte leurs propositions et élabore un programme politique de rupture, pour un horizon postcapitaliste.
Construire le NFP
Le vote NFP a été motivé par l’espoir d’une politique qui permette de vivre mieux et par la crainte d’une victoire néofasciste. La dynamique à l’occasion des élections législatives de juin montre que la population peut se mobiliser fortement. Le NFP est en difficulté, il faut le conforter en favorisant la structuration durable des assemblées citoyennes à la base qui prolonge l’engagement de juin dernier de la gauche syndicale, associative et citoyenne. La rencontre à Paris le 22 mars des délégué·es de ces assemblées sera importante.
Créons une dynamique politique portant des propositions unitaires radicales pour mettre en mouvement la société. Pour cela, il faut une force de gauche alternative qui puisse peser dans les débats et les mobilisations.
Construire quelle force ?
Nous avons besoin d’une organisation politique révolutionnaire. Mais pouvons-nous ignorer la crise de la politique et de sa représentation qui concerne tous les partis, y compris ceux du mouvement ouvrier et de sa tradition révolutionnaire ?
L’organisation révolutionnaire à construire ne peut être un parti à l’ancienne et doit être un mouvement — ou un parti-mouvement — au fonctionnement autogéré et démocratique jusqu’au bout, privilégiant le consensus, favorisant en interne horizontalité et autogestion. Elle assurera des fonctions de mémoire, d’élaboration politique, de coopération avec les mobilisations, associations, syndicats ou autres forces politiques, rejetant tout rôle dirigeant. Elle fera la synthèse entre les expériences collectives issues des luttes, les mettra en cohérence et les articulera dans un projet d’émancipation global, favorisera l’appropriation sociale, les capacités de la société civile à débattre, à décider.
LFI, la gauche du NFP, vraiment ?
Expression en 2022 d’un vote de classe contre la politique austéritaire, productiviste, l’islamophobie, LFI est-elle toujours un point d’appui ? Que dire alors des positions de Mélenchon à l’international (Ukraine, Venezuela, Sahara occidental, Syrie...) ?
En bloquant en 2023 au parlement le vote réclamé par l’intersyndicale sur l’allongement à 64 ans pour la retraite, en prétendant fin 2024 abolir par sa niche parlementaire la contre-réforme des retraites, LFI politise-t-elle en profondeur les milieux populaires, la jeunesse, favorise-t-elle l’auto-organisation des opprimé·es et des exploité·es ?
Sa lutte pour une présidentielle anticipée procède d’une vision où l’issue à la crise est surtout institutionnelle, avec le risque d’une victoire néofasciste. Présidentialisme, exclusives au sein du NFP d’une part, manœuvres de l’aile droite du PS d’autre part, tous ces éléments ne vont-ils pas précipiter l’éclatement du NFP ?
L’orientation de LFI peut-elle produire autre chose qu’une démarche populiste visant à construire un peuple autour de la figure d’un chef charismatique ?
Sur l’écosocialisme
Cette référence juxtapose le social et l’écologie au risque de minorer l’auto gestion, le féminisme, les aspirations des peuples et communautés opprimé·es, le refus du racisme, des discriminations.
La référence de communisme autogestionnaire, féministe, écologique prendrait mieux en compte la diversité de tous les mouvements d’émancipation, leur articulation pour exprimer une visée alternative. Elle implique la socialisation des moyens de production, l’égalité de droits entre toutes et tous, l’appropriation citoyenne sur les choix techniques et productifs. Enfin cette dénomination réfute le caractère incontournable du lien production de richesses-croissance-emploi et lui substitue la délibération démocratique sur trois questions de fond : que produire et pourquoi ? Comment le produire en protégeant la biodiversité, le vivant ? Pour quelle utilité sociale ?
La prostitution : liberté de disposer de son corps... ou viol tarifé ?
Si des personnes gagnent de l’argent en vendant des services sexuels, la notion de travail du sexe légitime le système prostitutionnel et pousse à sa légalisation.
Pour nous, la prostitution est un viol tarifé, un rapport social basé sur la violence et la domination masculine, à la croisée des dominations patriarcale, coloniale, économique, Nord-Sud.
Les personnes en situation de prostitution sont soumises à la violence des clients, des réseaux de proxénétisme et de traite d’êtres humains
Les personnes prostitué·es ont des droits et nous sommes opposé·es à toute répression à leur égard et favorables à l’abolition du système prostitutionnel qui marchandise les corps et la sexualité
En lutte pour une société émancipatrice et égalitaire, peut-on accepter que des hommes puissent avoir l’accord de la société pour acheter des services sexuels, exploiter les plus vulnérables sous prétexte d’un accord marchand basé sur un rapport de force et une domination ? o
* Pour le courant d’Ensemble ! Autogestion Émancipation.