Le gouvernement est en train de mettre la dernière touche à un projet de loi relatif au « partage de la valeur au sein de l’entreprise ». Ce projet est une transposition de l’accord national interprofessionnel, signé en février par le patronat et toutes les organisations syndicales représentatives CFDT, FO, CFTC, CGE-CGC, sauf donc la CGT. Cet accord, en plein conflit des retraites, avait permis au gouvernement de claironner que le « dialogue social » marchait bien.
Depuis quelques années, on a vu bourgeonner dans le privé, et aussi dans le public, diverses formes de primes et d’annexes aux salaires qui présentent trois caractéristiques : elles dépendent largement du bon vouloir de l’employeur, elles ne sont souvent pas reconductibles d’une année sur l’autre et, enfin, elles coûtent moins cher aux patrons car ils ne supportent pas ou moins de cotisations sociales (et n’apportent pas de droits sociaux aux salariéEs en particulier pour la retraite).
Augmentations de salaire dérisoires
Trois dispositifs existent déjà : l’intéressement (une prime conditionnée à la performance, aux résultats d’une entreprise, arrêts de travail...), la participation (mécanisme obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariéEs avec un versement immédiat ou placé en épargne) et enfin les primes comme la « prime Macron » rebaptisée « prime de partage de la valeur ».
Ce gouvernement refuse de donner le moindre « coup de pouce » au Smic et accorde des augmentations dérisoires aux fonctionnaires. En fait, il organise la baisse du pouvoir d’achat du salaire : selon les chiffres officiels, le salaire mensuel de base a progressé de 4,6 % sur un an (entre le 1er trimestre 2022 et le 1er trimestre 2023) contre 5,7 % pour les prix à la consommation. En moyenne bien sûr, la hausse des prix alimentaires dépasse 14 % ce qui (avec les prix de l’énergie) touche plus les ménages populaires que les riches. Par ailleurs, il a refusé tout impôt sur les « superprofits » de certaines entreprises comme Total. Et pourtant, Macron n’a que le « partage de la valeur » à la bouche !
Au bon vouloir des patrons
Le projet de loi prévoit des mesures dans la lignée de celles qui existent déjà et qui n’apportent aucune garantie aux salariéEs d’une année sur l’autre. Les entreprises entre 11 et 49 employéEs qui sont « rentables » devront instaurer l’une des trois mesures suivantes : mettre en place un dispositif de participation ou d’intéressement, abonder un plan d’épargne salariale ou verser une prime de partage de la valeur. Le texte ouvre aussi la possibilité d’attribuer deux fois par an la « prime Macron ». Les entreprises d’au moins 50 salariéEs réalisant des « bénéfices exceptionnels » (qui les définira ?) devront en négocier la définition et le partage. Le texte propose aussi la mise en place d’un nouveau dispositif facultatif : un « plan de partage de la valorisation de l’entreprise ». Il prévoit de faciliter le développement de l’actionnariat salarié.
Tout cela vise à assujettir encore plus le salarié au bon vouloir des patrons. Deux exemples des entourloupes possibles sont bien connus.
Tout d’abord la substitution entre primes et salaires pourtant en principe clairement illégale. Pour la seule « prime Macron », en 2022, selon l’Insee, il y a eu clairement un effet d’aubaine (pour les patrons) : environ un tiers des versements de la prime ont remplacé de vraies augmentations de salaires.
Dissimulation de bénéfices
Les salariéEs peuvent aussi être victimes de la dissimulation des bénéfices par les entreprises. Ce qui minore ce à quoi ils ont droit même dans des dispositifs obligatoires comme la participation. Un exemple : à la suite d’une enquête pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée », McDonald’s a dû verser en 2022 1,245 milliard d’euros au fisc pour avoir dissimulé ses bénéfices. Pourtant les salariéEs, eux, n’ont rien récupéré des sommes qui leur avaient été volées. Et ce n’est pas le seul cas d’entreprises mises en cause pour cette raison : on peut citer par exemple General Electric, Procter & Gamble !
Dans beaucoup d’entreprises, le chantage patronal fonctionne à plein pour faire des NAO une comédie, réduire au maximum les augmentations de salaires et y substituer des primes. C’est ce que les salariéEs et la CGT de Verbaudet ont bien compris : les travailleurEs ont droit à du salaire, du vrai pouvoir d’achat et des droits sociaux. Les primes ne peuvent en tenir lieu.