Pendant que les enseignes bombardent les consommateurs de « bonnes affaires » pour le Black Friday, les salariéEs de toutes les FNAC parisiennes et d’une partie des magasins de province ont fait grève les 28 et 29 novembre à l’appel de l’intersyndicale CGT-SUD.
Un mouvement rare, massif, et surtout révélateur d’un modèle qui craque de partout. Car cette année, derrière les vitrines tape-à-l’œil et les réductions en cascade, il y a une colère qui monte : celle de femmes et d’hommes qui refusent que leur travail, déjà mal payé, soit encore dévalué.
Rejet du vol des salaires
Au cœur des revendications : le rejet ferme du « projet de vol de nos salaires », comme le qualifient les organisations syndicales. Derrière la formule, une réalité brutale : un nouveau système interne calqué sur Darty qui ne prendra plus en compte les augmentations légales et conventionnelles. C’est la rémunération variable qui viendra compenser cette perte. Vendre toujours plus de services au détriment des clientEs. Dans un contexte d’inflation constante, cela revient à une baisse du salaire réel — et donc du niveau de vie — année après année. Cela entraînera aussi une baisse des cotisations sociales, dans une période où on nous rabâche sans cesse le nécessaire effort collectif, alors que de l’argent il y en a dans les caisses du patronat.
À cela s’ajoute un autre front : la révision des fiches métiers. Plus de polyvalence, plus de tâches, plus d’exigences… mais pas plus de salaire, ni plus d’effectifs. Une équation simple, presque caricaturale : faire toujours plus avec toujours moins.
Socialiser les pertes, privatiser les profits
Le paradoxe : l’argent du Groupe Fnac-Darty est produit en grande partie par les magasins et leurs salariéEs, mais il est ponctionné pour payer tous les rouages de la machine : les salaires des cadres dirigeants, les dividendes des actionnaires, les services du siège, la logistique, l’acheminement des produits, la communication. Cet argent ne va pas à celles et ceux qui déchargent les camions, portent les cartons, font vivre les rayons, conseillent les clients, encaissent. Tout est refacturé aux magasins, au sein de la même entreprise, comme si le siège jouait le rôle d’un prestataire privé.
Cela sert à payer la rémunération des dirigeants, dont celle qui doit bondir de 500 000 euros en 2025 pour Martinez, ainsi que les dividendes et les actionnaires, qui ne connaissent ni gel de leurs revenus, ni surcharge de tâches.
Et puis la FNAC vient expliquer aux salariéEs qu’il n’y a « plus rien dans les caisses » pour augmenter les salaires ni pour embaucher.
Le mantra néolibéral classique : socialiser les pertes, privatiser les profits.
La grève des 28 et 29 novembre n’est donc pas « juste » un conflit interne à la FNAC : c’est un symptôme. Celui d’un modèle où l’exploitation est maquillée en modernisation, où l’austérité est imposée en bas tandis que l’opulence se déverse en haut.
Pendant le Black Friday, des millions d’euros ont circulé.
Les salariéEs demandent simplement que celles et ceux qui créent la richesse puissent, eux aussi, en vivre.
Diego Moustaki